François Quénot, le commercial qui visite ses clients à vélo (et en train !)

Depuis quelques mois, sur LinkedIn on voit passer des posts improbables. François, fournisseur de matos pour les labos, part à la rencontre de ses clients en train et en vélo.

Pourquoi et comment fait-il cela ? Pour en savoir plus, nous sommes partis à sa rencontre.

Il faut savoir qu’un.e commercial.e qui fait 75 000 km par an (c’est ce que je faisais il y a 4 ans) va émettre l’équivalent de 16 tonnes de CO2. Pour être neutre en carbone il faut être à 2 tonnes par an… on en est loin.

Bonjour François, peux -tu te présenter ?

Je suis François Quénot, associé gérant de la société Liquilabo. J’ai 42 ans et j’habite à Strasbourg. Je travaille dans le domaine de la distribution de produits à destination des laboratoires depuis une quinzaine d’années. J’ai travaillé aussi bien pour la distribution que pour des fabricants d’instruments et de consommables. Je suis aujourd’hui à mon compte, comme on dit, et je travaille essentiellement sur la France. 

« J’essaye aussi de casser un peu la vision caricaturale (mais parfois un peu justifiée) du commercial de terrain : grosse voiture, tenue formelle, etc. »

Pour quelles raisons te déplaces-tu chez tes clients en train et vélo ?

Déjà, je fais du vélo tous les jours, ce qui est assez facile à Strasbourg. J’ai fait beaucoup de km en voiture, en train, en avion ces dernières années. La période Covid a rebattu beaucoup de cartes et changé en profondeur nos habitudes de visite pendant 2 ans. 

Plutôt que d’attendre un hypothétique retour à la normale, j’ai construit mon entreprise en 2022 sur les bases de ce que j’aime et de ce que je n’aime pas dans le métier. Par exemple, j’aime voir mes partenaires mais je n’aime pas la voiture et les km passés à ne rien faire d’autre que conduire. 

J’essaye aussi de casser un peu la vision caricaturale (mais parfois un peu justifiée) du commercial de terrain : grosse voiture, tenue formelle, etc. Je passe ma vie en baskets et en jeans, il me fallait donc une bonne excuse pour rester dans cette tenue : et ce n’est pas possible de se déplacer comme je le fais en costume. Donc, bingo ! 

Il y a aussi un point de vue financier. Si tu prends mon dernier trajet vers Bayonne / Toulouse / Paris, j’ai couvert 2600km. Si je le fais en voiture, sans les péages, l’entreprise doit payer 1110 euros pour couvrir les frais automobiles. Le même voyage en train m’a coûté 398€ en 1ère classe (NB: j’ai une carte annuelle de réduction à 400 euros qui est rentable en 2 ou 3 trajets). La différence de 1000 euros me permet d’investir dans d’autres trajets et visites. Et je ne parle ni du gain de productivité, ni de l’économie de fatigue psychique et physique.

Enfin, il y a  un aspect lié à mes convictions. Je ne prétends pas sauver le monde ou faire la leçon, d’autant plus que je distribue du plastique souvent à usage unique. Mais je ne vois pas pourquoi j’en rajouterais là où je peux en enlever. À cette humble échelle, je pollue peu et c’est une satisfaction. Mais je n’en fais pas un argument commercial. C’est plutôt un alignement : c’est bon pour ma santé, pour mon entreprise et pour l’environnement.

Combien de kilomètres par an est-ce que cela représente ?

Je n’ai pas une quantité énorme de clients et ils sont plutôt en ville (labos d’analyse médicale et de pathologie). C’est donc plutôt efficace. Je couvre 50 à 60 000 km par an avec ce système. Difficile de calculer avec le vélo car je n’ai pas de compteur, mais on peut dire que je fais, pour le travail, une cinquantaine de km par semaine en moyenne.

Est-ce que tes clients le savent ? Comment réagissent-ils ?

Oui mes clients le savent. Ça les fait généralement pas mal rire. Beaucoup se demandent pourquoi, comment, etc. Certains s’inquiètent de la météo ou de l’état de la route, me conseillent la bonne piste cyclable à prendre. Il y a beaucoup de sympathie et de gentillesse dans les échanges à ce sujet.

Je préviens toujours les clients, pour ne pas les étonner plus que nécessaire. Le fait d’arriver par ce mode de transport casse bon nombre des préventions liées à une visite commerciale. On discute d’autre chose et je découvre que mes clients sont aussi des passionnés de vélo, de photo, de trek, etc. On se connaît mieux, ça rend les choses plus souples, même si on reste dans un registre professionnel et technique.

Mais c’est aussi un risque à prendre avec des clients attachés à certains codes. On est comme on est, personnellement et commercialement. On est donc jugé sur ce que l’on sait faire, pas sur ce dont on a l’air. Pour ne pas avoir l’air d’un cinglé pas conforme, il faut donc redoubler de précision dans ce que l’on fait et apporter vraiment un service qui tient la route.

« J’ai fait une pointe à plus de 50km/h avec, mais c’était vraiment vraiment limite en raison de la taille des roues (et ça m’a coûté un jeu de patins de freins en bas de la pente…) »

Qu’est-ce qui est le plus compliqué lorsqu’on se déplace en train + vélo ?

C’est une manière de faire qui demande pas mal de préparation. Pas moyen de sauter dans la voiture en dernière minute ! Il faut donc prévoir son trajet comme n’importe quel professionnel, mais aussi envisager les solutions B en cas de pépin, physique ou technique. Mon assurance ne viendra pas me dépanner si la chaîne explose ou si je chute lourdement.

Il faut aussi prévoir les conditions météo en emportant de quoi se protéger, se sécher, se changer, boire, manger, etc. Je suis très autonome, avec un thermos, une tasse, et quelques accessoires un peu similaires à ceux nécessaires à de la randonnée sur plusieurs jours. J’embarque même parfois de la nourriture déshydratée au cas où.

De ce fait, il faut faire des choix sur ce que l’on emporte et parfois envoyer ses 5 kg d’échantillons en amont par colis. Ça s’organise. Mais il est clair qu’il m’est impossible de faire 6 ou 8 visites par jour, comme on le demande traditionnellement à des commerciaux. Et de toute façon, je n’en ai pas envie. Je vois donc en moyenne 2 clients par journée de déplacement : il faut donc être efficace et convaincant. Si c’est juste pour poser un catalogue, ce sera hors de prix et absolument pas rentable.

C’est quoi ton vélo ?

C’est un vélo pliant Brompton. J’en ai essayé plein et je dois dire qu’il mérite son statut de Rolls du vélo pliant. C’est fabriqué en Angleterre, quasiment manuellement. C’est robuste et très très compact. C’est un des plus chers du marché, mais il ne perd pas de valeur avec le temps.

Le mien pèse 12 ou 13 kg. Il faut ajouter 10 à 15 kg de sacs et sacoches pour un déplacement standard. C’est l’autre difficulté de ce type de voyage. Tu transportes tout sur toi et tout le temps. Après une semaine de déplacement, normalement, je suis entamé physiquement.

Ce sont des vélos très agiles, très explosifs. On peut atteindre 20/25 km/h assez facilement en ville, mais c’est difficile de garder ce type de vitesse longtemps. C’est peu roulant et dès que tu arrêtes de pédaler, tu n’avances pas vraiment tout seul. J’ai fait une pointe à plus de 50km/h avec, mais c’était vraiment vraiment limite en raison de la taille des roues (et ça m’a coûté un jeu de patins de freins en bas de la pente…).

Comment est-ce que tu t’habilles pour être à l’aise en vélo et présentable en clientèle ?

Heureusement, les mœurs ont beaucoup évolué et c’est plus cool qu’avant. 

Je suis toujours habillé pareil : Jeans, pull fin, T-shirt technique en dessous et Vans aux pieds. Pour les moments plus formels, je troque mes vans contre une paire de chaussures en cuir. C’est ma seule concession ! J’ai quand même encore un costume dans l’armoire, mais je me sens tellement mal à l’aise quand je porte ça que j’évite. Je trouve le costume très beau quand c’est bien porté, mais ce n’est pas vraiment fait pour moi.

En été c’est plus difficile, à cause de l’effort et de la chaleur. Le polo sombre aide beaucoup, car c’est passe-partout et juste assez formel. Je n’hésite pas à me changer quand c’est nécessaire. J’explique, parfois je préviens (j’ai dû appeler une fois mon interlocutrice dans un labo pour lui demander de rentrer par le stock et me changer après avoir été surpris par une énorme averse. Elle s’est gentiment fichue de moi… et continue de me charrier à l’occasion).

D’une manière générale, je plébiscite les habits techniques de conception robuste et durable (vestes coupe-vent, T-shirts techniques, tenues en laine mérinos) : ça sèche vite et ça se nettoie facilement au besoin à l’hôtel, pour être secs au matin. Par ailleurs, ça me permet de très peu renouveler ma garde-robe et d’être très sobre à ce niveau.

« Je suis arrivé trop tard dans une gare de village en Angleterre (ni bus, ni taxi), à 21h30, et j’ai dû faire les 8km vers l’hôtel, dans la campagne, sous la pluie, à la frontale… quand je suis arrivé à l’hôtel, je dégoulinais … mais mon courage a été récompensé par un Anglais qui m’a payé une bière que j’ai dégustée les deux pieds sur une serpillère… »

Est-ce que tu as une anecdote particulière à nous partager sur ce mode de déplacement ?

En novembre 2022, je suis arrivé trop tard dans une gare de village en Angleterre (ni bus, ni taxi), à 21h30, et j’ai dû faire les 8km vers l’hôtel, dans la campagne, sous la pluie, à la frontale… quand je suis arrivé à l’hôtel, je dégoulinais et toute la salle de restaurant m’a contemplé, hilare… mais mon courage a été récompensé par un Anglais d’une politesse parfaite qui m’a payé une bière que j’ai dégustée les deux pieds sur une serpillère…

Ou pouvons-nous suivre tes exploits ?

Je communique essentiellement sur Linkedin (voici mon compte). Je le fais sans réelle stratégie de communication, spontanément. Ça plaît beaucoup à mon réseau, qui réagit de manière super positive, curieuse. J’espère que ça donne envie et que c’est une source de motivation pour changer en douceur certaines habitudes. Au moins pousser les gens à prendre le train quand c’est possible.

Merci François !

Liquilabo en quelques mot

Liquilabo distribue tous les outils du quotidien des laboratoires (instruments, consommables, aménagement, etc.). Nous nous focalisons actuellement sur les domaines de l’anapath et de la biologie moléculaire. Nous essayons de fournir des solutions robustes du quotidien et de proposer des outils innovants ou des marques moins connues qui offrent un excellent rapport qualité/prix.

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