quels sont les impact du déréglement climatique sur les bactéries, les moisissures et les virus dans nos laboratoires de microbiologie

Quel est l’impact du changement climatique sur les contaminations microbiennes ?

Vous aussi vous avez trop chaud sous vos blouses de microbiologistes et rêvez d’une seule chose : Faire du tri dans la chambre froide ?

Pas de doute, le dérèglement climatique se fait sentir jusque dans nos laboratoires !

Mais qu’en est-il de nos (pas toujours) amies les bactéries, moisissures et autres micro-organismes ?

Est-ce que le changement climatique a un impact sur eux ? Et quel impact cela va avoir dans nos labos ?

Pour en savoir plus, nous avons rencontré un SuperMicrobiologiste expert Junior du sujet : Louis Delaunay, qui travaille dans les laboratoires de SECALIM (équipe INRAe) sur le site d’Oniris à Nantes.

Il nous a partagé quelques exemples concrets… passionnants et à la fois terrifiants !

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Le dérèglement climatique en quelques chiffres

Pour parler du dérèglement climatique, pas besoin de boule de cristal ni même de thermomètre. On va plutôt se fier aux scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Selon eux, la température moyenne à la surface du globe pourrait augmenter de 2,2 à 3,5 °C d’ici la fin du 21ᵉ siècle.

Pour l’instant, on en est déjà à +1,1 °C par rapport à l’ère pré-industrielle (1850), et les impacts se font clairement sentir : sécheresses, inondations, tempêtes…

Ah, on allait oublier une information importante (qui ne plaît pas à tout le monde) : il est prouvé que ce réchauffement est causé par l’activité humaine.

évolution des températures, rapport du GIEC
Rapport du GIEC

La bonne nouvelle c’est qu’on peut donc changer les choses. Mais ça, ce n’est pas le sujet de cet article… Revenons donc à nos petites bébêtes !

Impact direct du changement climatique sur micro-organismes

Quand on parle de changement climatique, on pense d’abord à l’augmentation des températures.

Mais ce n’est pas tout ! Il y a aussi une hausse de l’humidité (à cause d’une augmentation des régimes de précipitation et des températures), une hausse des inondations, une baisse de la salinité des océans (à cause de la fonte des glaciers)… Et tous ces changements influencent les micro-organismes qui nous entourent.

Voici quelques exemples concrets :

Vibrio

Vibrio est une bactérie pathogène qui contamine les fruits de mer (poissons, crevettes, mollusques, etc.). Elle y produit des toxines responsables d’intoxications alimentaires.

Cette bactérie a un optimum de croissance à 37°C dans 3% de sel (l’eau de mer).

Vous voyez où ça mène ? Plus il fait chaud, plus Vibrio se multiplie. Avec les canicules, la température de l’eau de mer sur nos côtes grimpe, créant des conditions idéales pour… Vibrio.

Et comme nos fruits de mer sont pêchés près des côtes, il n’est pas surprenant que les cas de contamination augmentent. CQFD.

Malheureusement, ce n’est pas près de s’arranger. L’EFSA (European Food Safety Authorithy) prévoit même une hausse des contaminations par Vibrio dans les années à venir.

Il y a donc fort à parier qu’on teste de plus en plus les Vibrio dans nos laboratoires dans les prochaines années !

Les espèces les plus fréquentes ? Vibrio parahaemolyticus (en Europe), Vibrio vulnificus et Vibrio cholerae; souvent issus de cas importés.

Campylobacter

Passons du coq à l’âne… ou plutôt de la “coque” au coq, puisque Campylobacter est une bactérie pathogène qu’on trouve souvent sur nos poulets (ainsi que dans le bétail). Elle est aussi présente dans l’eau.

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) la classe parmi les principales causes de gastro-entérite bactérienne. Et quand on sait que Campylobacter adore la chaleur (croissance optimale entre 37 et 42 °C), on comprend vite que la situation risque de s’aggraver.

Un exemple ? En Australie, pays chaud par excellence, c’est le pays industrialisé avec le taux de contamination à Campylobacter le plus élevé.

D’autres études montrent aussi qu’il y a plus de campylobactérioses en été (logique, il fait plus chaud) et que le réchauffement climatique pourrait entraîner une hausse des contaminations dans le nord de l’Europe.

Fréquence des contaminations Campylobacter en fonction de la température extérieur et des mois de l'année

Bref, tout porte à croire qu’avec le réchauffement climatique, nous serons amenés à faire de plus en plus d’analyses de Campylobacter dans nos labos… Pas de chance, c’est souvent là qu’ils poussent le moins bien.

À moins qu’on pousse le réchauffement climatique jusqu’à 65 °C, la température de destruction des Campy ? Allez, à vos moteurs thermiques ! 

Les espèces à surveiller de près : Campylobacter jejuni en tête, suivi de C. coli.

Salmonella

Pour  Salmonella, c’est le même scénario que pour Campylobacter

Quand il fait chaud et qu’il y a de fortes précipitations, le nombre de salmonelloses explose. C’est ce qui a déjà été démontré dans quelques régions du globe, en Australie et au Canada1

Avec le dérèglement climatique, les événements extrêmes risquent d’arriver de plus en plus souvent, favorisant une augmentation du nombre de cas de salmonellose… 

Sérovars à surveiller : Selon le CNR en 2023 c’est Enteritidis qui arrive en tête !

Les Mycotoxines

Même si les mycotoxines sont des dangers chimiques, elles sont néanmoins produites par des moisissures ( champignons microscopiques).

Exemple : La DON est produite par Fusarium, l’aflatoxine est produite par Aspergillus

Avec l’augmentation des températures et de l’humidité, les conditions deviennent idéales pour la croissance des moisissures dans les céréales, légumineuses, et oléagineux au champs et même pendant le stockage (s’il n’est pas bien respecté).

Résultat : On observe une recrudescence des contaminations par les mycotoxines.

Risque des contamination aflatoxine en fonction de l'augmentation de la température

Au début des années 2000, c’était surtout le sud de l’Europe qui était concerné. Mais depuis, la zone affectée remonte vers le nord… et ce n’est pas près de s’arrêter !

Impact indirect du changement climatique sur les contaminations

Comme on vient de le voir, le changement climatique peut directement favoriser la croissance de certains micro-organismes. Mais il peut aussi avoir un impact indirect sur certaines contaminations.

Voici trois exemples concrets pour mieux comprendre :

Modification de nos rythmes de vie

Le réchauffement climatique influence nos rythmes de vie et nos habitudes alimentaires.

Par exemple, on fait plus de barbecues en été qu’en hiver.

Mais avec des saisons moins marquées et des températures plus chaudes, la saison des barbecues s’étend et la chaîne du froid est plus vite brisée.

Et qui dit barbecue dit parfois (souvent ?) mauvaises pratiques :

  • utilisation du même couteau et de la même planche pour préparer le poulet et la salade de tomate
  • cuisson insuffisante
  • viande cuite remise dans le plat de la viande crue…

et BIM, contamination croisée.

La solution ? Sensibiliser la population aux bonnes pratiques d’hygiène alimentaire. Facile à dire… moins facile à faire !

Des STEC dans nos légumes (ça ne va pas plaire aux végétariens ça !)

Les STEC (Shiga-toxin producing E. coli) sont des souches d’E. coli qui produisent des shigatoxines. Très pathogènes, elles proviennent principalement des élevages bovins et se retrouvent donc dans la viande et le lait.

Le souci, c’est que depuis quelque temps, on les retrouve aussi dans les salades, les oignons et autres végétaux. Vous souvenez-vous de l’affaire rocambolesque du concombre espagnol de 2011? Il s’agissait de graines de fenugrec égyptiennes germées en Allemagne, porteuses de E. coli O104:H4.

Une des théories est que ces contaminations viennent d’une contamination croisée avec les eaux d’irrigation peu propres.

Après de fortes précipitations, les excréments des bovins épandus (et donc les bactéries qu’ils contiennent) pourraient être entraînés dans les fossés et dans les réserves naturelles d’eau par lessivage des sols. S’il y a ensuite irrigation pendant les périodes de sécheresse sur les mêmes zones géographiques, les contaminations fécales seraient propagées sur les cultures.

C’est ainsi que se produirait les contaminations… à confirmer parce que le phénomène est assez récent !

Les Norovirus

Les norovirus sont des virus responsables de gastro-entérites.

Leur réservoir est l’Homme.

Lors d’épidémies, on retrouve donc des norovirus en grande quantité dans les stations d’épuration.

Le problème survient lors de fortes précipitations, de plus en plus fréquentes avec le changement climatique. Les stations d’épuration débordent, leurs eaux se déversent dans les rivières, puis atteignent les côtes, là où sont élevées nos coquillages.

Il arrive également de retrouver des Norovirus, dans des fruits rouges, pourquoi ? Même problème qu’avec les STEC: utilisation d’une eau contaminée pour l’irrigation et ces produits sont trop fragiles, donc le nettoyage est peu intense.

Résultat : une hausse des TIAC (toxi-infections alimentaires collectives) majoritairement liées à la consommation des coquillages crus.

Encore un impact indirect du dérèglement climatique !

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Apparition de nouveaux contaminants microbiologiques ?

On peut légitimement se demander : le dérèglement climatique va-t-il entraîner l’apparition de nouvelles souches de micro-organismes ? Et si oui, lesquelles ?

Sachant que les micro-organismes s’adaptent beaucoup plus vite que nous, il est fort probable que certaines souches mutent et que de nouvelles apparaissent.

Cependant, il reste aujourd’hui difficile de prédire précisément lesquelles, dans quelle proportion, et avec quels impacts.

Que pouvons-nous faire face à cette incertitude ?

Maintenant que nous avons dressé le constat (et peut-être réveillé vos pires craintes… désolé !), que pouvons-nous faire pour limiter les impacts du dérèglement climatique ?

  1. Préserver l’existant

    Réduire au maximum notre empreinte carbone pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences.  L’eau est et deviendra une ressource de plus en plus précieuse ! 

  2. Anticiper et se préparer
    • Réaliser des analyses microbiologiques spécifiques, en dehors de la routine, pour mieux comprendre l’évolution des flores de contamination.
    • Adapter nos pratiques microbiologiques :
      • Tester différentes températures et durées d’incubation.
      • Utiliser des milieux de culture adaptés.
      • Ajuster les critères microbiologiques, notamment en été.

  3. Continuer la recherche

    Pourquoi ? car il faut connaître son ennemi pour mieux le combattre ! C’est au cœur de l’activité de SECALIM :
    • Comprendre le comportement des bactéries dans les aliments (prévalence, contamination primaire, capacité de croissance, survie, virulence, adhésion …).
    • Anticiper, à l’aide d’outils de modélisation, essayer de prédire et d’évaluer le risque sanitaire pour déterminer des stratégies d’atténuation. Ces stratégies doivent permettre de diminuer le risque sans avoir un effet vicieux sur le changement climatique mais plutôt vertueux, en ayant une vision la plus globale possible !

Mieux anticiper ces changements, c’est la clé pour protéger notre santé !

Si vous avez d’autres exemples ou questions, n’hésitez pas à les partager en commentaire !

Nous souhaitons une nouvelle fois remercier Louis Delaunay pour avoir partagé avec nous son expertise sur les impacts du changement climatique sur la sécurité des aliments.

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  1. Canada : Smith et al  2019
    Australie : Zhang et al. 2010 ↩︎
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