Microbiologie alimentaire : Comment la métagénomique ciblée va changer la donne

Lors de notre visite des laboratoires de microbiologie d’Eurofins LMO sur Nantes, nous avons été bluffés par une technologie utilisant la métagénomique ciblée.

Ce n’est pas vraiment l’appareil en lui-même qui nous a impressionné (quoique !), mais plutôt les nouvelles perspectives que cela ouvre pour la détection et la compréhension de certaines contaminations.

Notre curiosité ne pouvait pas en rester là. Nous sommes donc retournés voir les équipes d’Eurofins pour essayer de mieux comprendre les performances de cette solution appelée NGS-PCR Flore.

Dans cet article, on partage 3 retours d’expériences réels et… très concrets permettant d’illustrer tout le potentiel de la métagénomique ciblée.

Sommaire :

La métagénomique ciblée c’est quoi ?

En microbiologie, bien souvent on ne croit que ce qu’on voit… sauf que parfois on ne voit rien, mais il y a quand même des microorganismes.

Même si ça nous fait mal de le dire, il n’y a finalement que très peu de microorganismes qui sont capables de se développer sur nos géloses.

Pour pallier les défauts de la microbiologie pasteurienne, on peut utiliser la métagénomique ciblée.

Avec cette méthode moléculaire, on s’affranchit des biais mais également des questionnements liés à la microbiologie pasteurienne. En effet, ici la seule hypothèse avant de se lancer dans une investigation métagénomique c’est … « mon problème doit venir d’une bactérie ». Pas besoin de faire des hypothèses pour choisir tel ou tel milieu de culture et condition de culture.

L’analyse s’effectue en 3 étapes : 

  • Extraction et purification des brins d’ADN présents dans l’échantillon
  • Amplification par PCR 
  • Séquençage de l’ADN amplifié
  • Identification des microorganismes par analyse bio-informatique

Alors que cela ressemblait à de la science-fiction il y a encore quelques années, aujourd’hui avec l’avènement des séquenceurs de nouvelle génération (NGS), la métagénomique ciblée est une véritable solution pour aider les laboratoires de microbiologie à comprendre les contaminations qui ne “poussent” pas sur leurs boîtes !

« Quelques jours après l’emballage, sa viande noircit et les emballages gonflent… ça sent la contamination à plein nez ! Sauf que lorsque le laboratoire de microbiologie lance les analyses “pasteuriennes” , rien d’anormal ne sort. »

SOS Microbiologiste en détresse.

Exemple 1 :  L’emballage d’une viande crue, conditionnée sous vide, gonfle


Un producteur de viande crue, conditionnée sous vide, a un problème. Quelques jours après l’emballage, sa viande noircit et les emballages gonflent… ça sent la contamination à plein nez !

Sauf que lorsque le laboratoire de microbiologie lance les analyses “pasteuriennes” (sur boîtes de Petri), rien d’anormal ne sort.

Le labo varie donc les milieux de culture et les conditions d’incubations… toujours rien.

Dans l’impasse, le producteur de viande se tourne alors vers Eurofins, qui va rapidement proposer d’utiliser la métagénomique ciblée.

Découverte de Clostridium estertheticum avec la solution NGS-PCR Flore

Le laboratoire Eurofins LMO procède à une extraction de tout l’ADN microbien présent en surface de la viande, puis lance l’analyse NGS-PCR Flore (spécifiquement développé par la R&D d’Eurofins).

Cette analyse permet de multiplier l’ADN de tous les microorganismes présents sur la viande. L’ADN va ensuite être séquencé, puis comparé avec des bases de données pour identifier les espèces présentes dans l’échantillon.

En décortiquant les souches trouvées, les microbiologistes d’Eurofins mettent rapidement en évidence la présence d’une souche qui pourrait expliquer le brunissement et les gonflements. Il s’agit de Clostridium estertheticum.

La solution pour le producteur de viande

Après quelques recherches bibliographiques, voici les informations qui ont été transmises au producteur de viande : 

  • La souche est psychrophile (elle pousse entre 12 et 15°C, mais peut aussi se développer entre 0 et 4°C).
  • Elle a déjà été retrouvée et documentée en Australie.
  • La cause de la contamination pourrait être due à l’alimentation des animaux (actions potentielles à ce niveau-là).
  • La souche peut être cultivée sur un milieu gélosé en… 15 à 21 jours (pas génial pour de la viande crue !).

Grâce à ces informations, le producteur de viande a pu prendre des actions correctives pour mieux maîtriser cette contamination.

Exemple 2 : Pâtes fraîches sous atmosphère modifiée avec des taches violettes

Un producteur de pâtes fraîches, emballées sous atmosphère modifiée, observe des taches avec une pigmentation violette (sympa, non ?!).

Après quelques recherches du côté physico-chimique (encre et autres), les regards se tournent rapidement vers la microbiologie. Place au labo !

Malheureusement sur boite de Petri, la flore présente naturellement à la surface des pâtes fraîches ne présente rien d’anormal.

Le problème persistant, l’entreprise fait appel à la solution métagénomique d’Eurofins.


La solution NGS PCR Flore d’Eurofins découvre un Janthinobacterium

Cette fois-ci les microbiologistes d’Eurofins Alimentaire France vont utiliser une stratégie un peu différente. Ils vont faire un prélèvement sur la zone conforme et un prélèvement sur la zone présentant les pigmentations violettes.

Ils lancent ensuite deux analyses via la solution NGS-PCR Flore.

Comme résultat, ils obtiennent donc deux populations de bactéries différentes qu’ils vont pouvoir comparer. C’est ainsi qu’ils se rendent vite compte de la présence d’une bactérie particulière dans l’échantillon présentant les pigmentations violettes.

Il s’agit d’un Janthinobacterium lividum qui est, comme son nom l’indique, gentil… mais qui fait des taches violettes.

Après quelques recherches bibliographiques il s’avère que la souche produit bien de la violacéine (Bingo !) mais ce serait une bactérie… aérobie (elle a besoin d’oxygène pour se développer). Or la souche est retrouvée dans un produit conditionné sous atmosphère modifiée, donc avec très peu d’O2 (pas Bingo !).

Le mystère reste donc entier.

La solution… un défaut d’emballage

Après de plus amples investigations, il s’avère qu’il y a un problème avec la machine de conditionnement. Il y a un défaut au niveau du scellage, ce qui crée des micro-fuites dans l’emballage. D’où la présence d’oxygène dans l’emballage et donc la croissance du Janthinobacterium (re-Bingo !).

Grâce à ces investigations, le producteur de pâtes fraîches a pu retravailler avec son prestataire d’emballage pour supprimer les micro-fuites. Depuis, la pigmentation violette a disparu des pâtes.

Pas mal, non ?!

Exemple 3 : Contamination de l’environnement avec un Leuconostoc… mais lequel ?!

Spots jaunes gluants… pas de doute c’est une conta !

Une entreprise produisant de la charcuterie a régulièrement des contaminations sur plusieurs lots de jambons tranchés « Clean Label ». Les tranches présentes des spots jaunes gluants… pas très appétissant, n’est-ce pas ?

La contamination provient toujours de la même zone de production, mais impossible avec les méthodes pasteurienne de mettre la main dessus. On n’en sait donc pas plus sur la provenance de cette contamination

Comme dans les 2 exemples précédents, l’industriel fait appel à la solution NGS-PCR Flore d’Eurofins.

Des analyses NGS-PCR Flore de l’environnement

Les premières investigations vont se porter sur le produit. Les microbiologistes vont prélever des échantillons sur 2 zones distinctes du jambon :

  • Prélèvement sur la zone altérée du jambon (non conforme).
  • Prélèvement sur la zone non altérée du jambon (conforme).

Voici les résultats obtenus suite aux analyses faites par la solution NGS-PCR Flore d’Eurofins :

  • Sur la zone conforme on retrouve : Leuconostoc carnosum, Staphylococcus vitulinus, Ewingella americana, Carnobacterium divergens.
  • Sur la zone non conforme on retrouve : Leuconostoc gelidium.

Dans les deux cas, il y a des Leuconostoques… mais pas de la même espèce !

Un Leuconostoc responsable d’un biofilm

Après quelques recherches bibliographiques il s’avère que ce Leuconostoc gelidium a une grande faculté à produire des polysaccharides… lui permettant de former d’importants biofilms. Les contamination seraient donc probablement d’origine environnementale (et non pas du produit).

L’analyse de ces informations a permis à l’industriel de mettre en place une procédure de nettoyage, avec utilisation d’une solution enzymatique ainsi qu’un brossage physique pour éliminer la contamination aux Leuconostoques.

Suite à cette désinfection renforcée, de nouveaux échantillons (cette fois environnementaux) ont été prélevés à l’aide d’écouvillons. Une nouvelle analyse NGS-PCR Flore a permis de confirmer la disparition des Leuconostoques.

Grâce à la métagénomique, le producteur de charcuterie a pu maîtriser la présence des Leuconostoques dans son usine, évitant ainsi les contaminations de ses charcuteries.

Merci la métagénomique 😉 

La solution NGS-PCR Flore d’Eurofins c’est quoi exactement ?


Niveau acronyme, on peut dire qu’ils font fort chez Eurofins !

Avant de rentrer dans le détails de la solution technique, revenons aux bases et à la signification de NGS PCR : 

  • NGS : Next-Generation Sequencing. C’est une méthode moléculaire qui permet de séquencer rapidement des millions de brin d’ADN.
  • PCR : Polymerase Chain Reaction. C’est également une méthode moléculaire qui permet de multiplier à l’identique des brins d’ADN.

Oui, mais concrètement, comment ça marche ?

Voici les informations que nous avons pu soutirer auprès d’Eurofins. La NGS PCR Flore se fait en 4 étapes : 

  • Prélèvement et extraction de l’ADN : Cette étape peut se faire à partir de colonies sur une boîte de Petri ou directement depuis une matrice alimentaire quelconque.

  • Amplification de l’ADN par PCR : Ça c’est LE secret d’Eurofins… Ils ont développé des amorces qui ciblent des gènes communs à toutes les bactéries.
    Communs mais avec des… différences. C’est justement grâce à ces différences qu’on va pouvoir différencier et identifier les bactéries.

  • Séquençage NGS : Le séquençage se fait avec un séquenceur de nouvelle génération qu’on a eu la chance de voir. On pensait voir une énorme machine, alors qu’en réalité c’est tout petit.

  • La bioinformatique : Une fois les séquences récupérées, elles sont comparées avec des bases de données pour pouvoir identifier les microorganismes jusqu’à l’espèce.

L’utilisation de cette nouvelle génération de séquenceur permet d’avoir un résultat super rapide. Alors qu’avec les anciennes générations il fallait souvent un bon mois pour avoir une réponse, là il faut 7 jours ou moins !

Conclusion

La solution de métagénomique ciblée développée par Eurofins ouvre des horizons passionnants dans la détection et la compréhension des contaminations microbiennes.

Grâce à la NGS-PCR Flore, les laboratoires de microbiologie peuvent désormais contourner les limites de la microbiologie traditionnelle en évitant la culture des microorganismes.

Historiquement, la métagénomique ciblée permettait d’identifier de manière fiable au genre. Avec cette solution, on peut identifier jusqu’à l’espèces (à ce jour 10 000 espèces bactériennes sur les 20 000 espèces bactériennes correctement décrites).

Comme le montrent les 3 cas étudiés dans l’article, l’utilisation de la métagénomique ciblée permet de mettre en place très rapidement des actions correctives, améliorant ainsi la qualité et la sécurité des produits.

Et même si, en tant que microbiologiste, nous sommes très attaché.e.s à nos fameuses boîtes de Petri, il y a fort à parier que cette technologie s’impose, dans les années à venir, comme un atout précieux pour l’industrie agroalimentaire. 

Si vous avez des questions concernant la solution NGS-PCR Flore, n’hésitez pas à les poser ici en commentaire ou à contacter directement un expert de chez Eurofins Alimentaire France.

Nous tenons à remercier les équipes d’Eurofins LMO de nous avoir ouvert les portes de leur laboratoire… mais aussi de nous avoir partager leurs petits secrets concernant la solution NGS-PCR Flore. C’était passionnant !

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