Quel est le comble pour un microbiologiste ?
Ce titre pourrait sonner comme une blague. Mais ce n’en est pas une.
Tout commence au détour d’un salon, le CFIA pour ne pas le nommer. Là, nous croisons un microbiologiste hors du commun : Philippe Armaing.
Philippe, c’est un chasseur. Pas de gros gibier, non. Lui, ce qu’il traque, ce sont les bactéries et plus précisément les Listeria et Salmonelles.
Son job c’est de débusquer les contaminations récalcitrantes pour le compte de Mérieux NutriSciences.
Quand une usine agroalimentaire n’arrive pas à se débarrasser d’une contamination, c’est Philippe qu’elle appelle.
Et à la manière de Docteur House, depuis 20 ans Philippe sillonne les ateliers de production pour résoudre les énigmes.
Autant dire que des conta il en a vu. Et des anecdotes, il en a à la pelle.
Il a justement accepté de nous en raconter une, rien que pour nous.
Une histoire qui nous comble… littéralement.
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Situation de crise : Contamination Salmonelle
L’affaire se passe dans une usine qui fabrique des légumes surgelés. Cela fait 6 mois qu’elle se coltine une contamination aux Salmonelles, sans comprendre d’où elle vient.
Le pire c’est que les réclamations clients affluent et que certains refusent les productions !
Après 6 mois de recherches en interne, l’industriel agroalimentaire décide de se tourner vers un expert et de contacter Philippe.
L’état des lieux
Quand Philippe débarque, voilà la situation :
Il y a 6 mois un client se plaint de retrouver des Salmonelles dans son produit.
L’usine fait des analyses de l’environnement et des produits. Rien.
Mais les plaintes continuent. Les clients retrouvent régulièrement des Salmonelles dans les légumes surgelés.
L’entreprise décide alors de multiplier les prélèvements.
Cette fois quelques échantillons reviennent positifs, mais sans logique apparente.
Les prélèvements environnementaux eux sont tous négatifs. Le mystère plane.
La zone de production
Cette usine produit des légumes surgelés conditionnés en sacs de 5 kilos.
Les légumes sont pelés, découpés, nettoyés, cuits, surgelés, puis emballés.
Voici à quoi ressemble la zone “incriminée” :

La partie sensible de la production se situe entre la fin de la cuisson (les légumes sortent à une température à laquelle ne résiste pas une Salmo) et l’emballage.
Il y a de fortes chances que la contamination se situe dans l’une de ces zones :
- Refroidissement
- Surgélation
- Conditionnement
Philippe est là… il observe. Il regarde les nettoyages, les zonings.
Puis il prélève; avant nettoyage, après nettoyage et après redémarrage des appareils (histoire de vérifier le fameux effet “relargage”).
Résultat ? Nada. Zéro Salmonelle.
Mais Philippe ne s’arrête pas là.
Un détail qui cloche
Pendant la production, il lève les yeux. Dans la salle de cuisson, malgré la grande hotte, il y a de la condensation sur les murs à l’entrée du tunnel de surgélation.
Au niveau du passe-paroi, là où le convoyeur passe vers la zone de surgélation, il remarque un truc étrange.

La condensation s’accumule sur une cornière dont la jointure est faite au-dessus du convoyeur !
En regardant de plus près, il observe que toutes les 45 secondes une goutte d’eau se forme au niveau de la jointure et tombe… devinez où ça tombe ? Bingo : sur les légumes.
Philippe tient une piste.
Direction : les combles
Philippe, en mode Dr House, demande à grimper au-dessus de la zone de production, dans les combles.
Et là, surprise (ou pas) : un vrai capharnaüm.
“Très peu de responsable qualité montent dans les combles et pourtant c’est souvent très instructif”
Philippe « House«
Philippe House
Il y a de l’humidité partout. La chaleur des légumes qui sortent du four rencontre le froid des combles mal isolés. Résultat ça condense !
Mais ce n’est pas tout.
Au sol, Philippe remarque quelque chose qui ne devrait pas se trouver là… une plume.
Qui dit plume dit…oiseaux.
Ni une ni deux, Philippe demande une grande échelle. Direction le toit.
Sur le toit
Arrivé là-haut, c’est encore pire.
Des goélands nichent à côté des d’extraction des vapeurs (il faut dire qu’il y fait bon).
Le toit, lui, est recouvert de 4 à 6 centimètres… de guano.
Oui, vous visualisez bien.

L’origine de la contamination
Philippe redescend. Il lance alors une nouvelle série de prélèvements : autour de la hotte dans les combles et sur la cornière.
Résultat sans appel : Salmonelle partout.
L’enquête touche à sa fin. La cause racine est claire :
- Les goélands colonisent le toit.
- Le toit, pas étanche, laisse passer du guano chargé en Salmo dans les combles.
- Les pourtours de la hotte n’étant pas étanches, la vapeur passe pour se loger dans les combles.
- Dans les combles, la vapeur condense pour former des mini gouttes qui se chargent en Salmo.
- Ces gouttes suintent le long du joint défectueux de la hotte, puis coulent le long du mur jusqu’au niveau de la jointure de la cornière pour former une goutte pile au-dessus des légumes.

Une goutte d’eau contaminée tombe toutes les 45 secondes. Soit une “contamination” toutes les 10 poches de 5 kilos.
Avec un prélèvement de 25 g par sac, la probabilité de tomber dessus est de 1 sur 2000.
On comprend alors pourquoi la détection fût “aléatoire” !
Les actions correctives
Suite à l’intervention de Philippe, l’industriel à entrepris les modifications suivantes :
- Étanchéité complète de la toiture.
- Nettoyage intégral des combles.
- Étanchéification de la hotte.
- Remontage correct des cornières.
Et devinez quoi ?
Depuis il n’y a plus de contamination à la Salmonelle… a cause du guano !
Conclusion
Une contamination à Salmonella sur des légumes… après la cuisson ? Ce n’est pas banal, et ce n’est pas facile à détecter dans le produit fini !
Mais, comme souvent, la source du problème se trouve dans la conception même du site.
Philippe, lui, n’a eu besoin que de deux jours sur place pour résoudre une affaire qui traînait depuis six mois.
Son conseil ?
Toujours aller voir ce qui se passe au-dessus de la zone de production, dans les combles.
C’est là que se cachent les vraies surprises… un comble, non ?!
Si vous aussi vous avez des histoires de contaminations à nous partager, contactez-nous, on adore ça !
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