La boite (de Petri) à question : Nicolas Chabert

La microbiologie, c’est comme une boîte de chocolats, sauf que c’est une boîte de Petri, et à l’intérieur, il y a une foule de métiers super funky !

Dans notre « boîte (de Petri) à question », on a isolé des SuperMicrobiologistes pour qu’ils nous racontent leurs aventures professionnelles et leurs journées trépidantes.

Ce mois-ci c’est Nicolas Chabert qui s’y colle.

Nicolas, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Nicolas Chabert, je pense qu’on peut dire que je suis officiellement un microbiologiste depuis l’obtention de ma thèse en microbiologie en 2017 mais j’ai toujours eu une certaine fascination pour les bactéries. Elles sont partout et elles savent littéralement tout faire, c’est passionnant ! Ma thèse portait sur la génération d’électricité avec des électrodes bactériennes, elles font vraiment tout !

Aujourd’hui, je suis directeur scientifique et technique chez BioIntrant, une société de biotechnologie dans l’agriculture que j’ai co-fondé à la suite de ma soutenance. Après avoir fait de la microbiologie marine, un peu d’astrobiologie (oui oui, ça existe) et de la microbiologie des environnements extrêmes, je me retrouve à faire de la microbiologie des sols agricoles. L’écologie microbienne est un domaine qui n’est pas encore trop exploré et exploité, comprendre les interactions entre les bactéries et leur environnement est un véritable challenge. C’est ce qu’on s’efforce de faire chez BioIntrant, comprendre quel microorganisme peut s’installer dans tel environnement, comme celui-ci peut avoir une action bénéfique sur son environnement et sur tout le microbiote associé et comment celui-ci va modifier ses fonctions. Un sujet vaste et enrichissant !

Peux tu nous décrire ton job de microbiologiste ?

C’est un sujet à peu près aussi vaste que l’écologie microbienne. Pour résumer mon job, je gère la R&D, mes collaborateurs et les labos donc cela peut aller de gérer une panne sur une machine (et ça arrive beaucoup trop souvent à mon goût) à monter des programmes d’innovation pour lever du financement et développer de nouveaux produits.

« Manip de screening sur plante, j’inocule une bactérie prédite par bioinformatique pour être un stimulateur de la croissance : marchera / marchera pas ? »

Et si on veut être un peu plus précis (tout en restant concis) dans l’approche de mon métier chez BioIntrant, et celui de l’équipe R&D/microbiologiste au grand complet d’ailleurs car ce n’est pas moi tout seul dans mon coin, cela consiste à créer des collections de souches bactériennes, nous en avons à peu près 3000 aujourd’hui, que nous séquençons et analysons par bioinformatique pour déterminer le potentiel de chaque bactérie pour des applications agricoles (amélioration de la santé des plantes, lutte phytosanitaire, etc.). Pour cela nous créons et implémentons continuellement des bases de données génomiques et fonctionnelles pour des applications précises. Nous testons ensuite ces microorganismes sur des plantes, puis si elles sont bénéfiques et ont les effets attendus nous travaillons sur leur productivité industrielle et sur leur homologation en vue d’une commercialisation.

Au milieu de tout ça, mon métier consiste principalement à mettre en place et manager des projets de R&D. Ce qui passe par la génération de nombreuses données qu’il faut analyser pour réfléchir à la suite : Doit on arrêter là car rien ne va dans le sens qu’on attendait ? Doit-on poursuivre et si oui quelle approche doit-on considérer ? Est-ce que nous avons suffisamment de données pour soutenir nos allégations ? Quelles données sont manquantes ? Est-ce que cela existe dans la littérature ? Comment peut-on les générer ? Les questions de la vie en somme.

Je fais également beaucoup de veille technologique, scientifique et réglementaire pour suivre ce qu’il se passe sur ce domaine de la microbiologie et établir de nouveau programme de R&D ou bien améliorer les programmes en cours. Il y a aussi tout un volet de collaboration avec des partenaires privés et académiques auquel je prends part, et qu’il faut suivre, par exemple pour des co-développements de solutions ou plus simplement pour de la prestation.

En quoi consiste ta journée type ?

Ma journée type commence par un café, voilà, c’est le seul point commun de mes journées… Il n’y a pas vraiment de journée type, ça dépend vraiment des périodes et de la charge d’activité dans les laboratoires. J’essaie de faire en sorte que tout soit réalisable dans les temps mais les imprévus font souvent (pour ne pas dire toujours) parti du jeu. Même si je suis rarement à la paillasse, je peux passer du temps à travailler dans le labo pour épauler mes collègues quand il y a beaucoup à faire, je travaille notamment beaucoup sur la partie process de production où on optimise la biomasse de nos bactéries et il y a beaucoup à faire car on travaille sur l’optimisation de biomasse de 10 souches en parallèles. Quand les périodes sont plus calmes, je fais quelque petite manip expérimentale pour confirmer (ou non) des théories ou des pistes exploratoires en vue de nouveaux projets. 

« Un petit peu de conditionnement de notre produit RHIZAL »

En ce moment, je suis en train de prévoir les travaux de nos prochains labos donc mon métier s’apparente plus à maître d’œuvre qu’à microbiologiste. Il y a peu nous étions dans des périodes de production donc j’étais dans l’atelier à faire tourner la mélangeuse et à faire du conditionnement de produit. Avant ça, j’étais sur du montage de projet ce qui occupait 80 à 90% de mes journées. Au moins, on ne s’ennuie jamais !

Start-up oblige, ma journée type c’est être un couteau suisse.

Qu’est ce que tu préfères dans ton job ?

 C’est justement de ne jamais s’ennuyer et d’avoir, en plus de ça, une certaine liberté d’action.

Certaines fois c’est difficile de devoir jongler sur une multitude de tableaux et de tâches, mais ça reste vraiment plaisant et satisfaisant quand tout le travail que l’équipe a accompli aboutit au financement d’un projet, à l’homologation d’un nouveau produit ou encore à la vente de nos produits. On se dit « Ok, c’était éprouvant, mais ça en valait vraiment le coup » et c’est ces moments de victoire qui me font aimer mon job !

Si tu pouvais améliorer une chose, ça serait quoi ?

La répétabilité des méthodes biologiques !!! Pourquoi est ce qu’un jour une bactérie décide de pousser et la semaine d’après, dans strictement les mêmes conditions, elle ne veut plus ? Pourquoi est-ce qu’une extraction varie autant en qualité avec un même protocole ? La liste des « pourquoi » est très longue.

« Le labo de biomasse qui nous permet d’optimiser les process sur des fermenteurs de 3 l et d’assurer les productions sur des fermenteurs de 10 l. »

C’est un peu l’inconvénient de la microbiologie environnementale, il n’y a pas vraiment de référence comme on peut trouver dans l’alimentaire ou la pharmaceutique. Donc évaluer une méthode ou un résultat demande de développer soit même des références et des contrôles mais on retombe sur les mêmes « pourquoi » lors du développement de ces références. C’est souvent très frustrant…

Ah oui, et également améliorer la vision du public (et des autorités) sur les bactéries car non, elles ne sont pas toutes mauvaises (bien au contraire) et vivre dans un monde aseptisé ne nous rend pas service. Bon par contre, quand elles sont mauvaises, elles ne rigolent pas…

 Comment vois-tu la microbiologie de demain ?

 Pour moi la microbiologie de demain c’est lire dans les bactéries comme dans un livre ouvert grâce à l’étude génomique. Maintenant que le séquençage du génome est devenu plus qu’abordable, il est facile de pouvoir étudier tout le potentiel génomique d’une bactérie. 

On peut déterminer sa résistance, les métabolites qu’elle peut produire, ses fonctions, etc. 

Bien évidemment cela demande encore du travail pour consolider des bases de données robustes mais je rêve qu’un jour on puisse savoir comment faire pousser une bactérie juste en regardant son génome et que l’on puisse s’affranchir des très longues étapes de criblage.

Toute l’équipe de BioIntrant avec le conseil scientifique, l’équipe business et de R&D

Est-ce qu’il y a un fournisseur (commercial, ingénieur application, autre) que tu apprécies particulièrement et que tu recommandes ?

Je travaille historiquement avec Dutscher (fournisseur de matériel de laboratoire), les équipes sont réactives et le représentant commercial de la région, Rémy Danise, est vraiment à l’écoute pour aider à trouver des solutions techniques dans le budget. J’en suis très content !

 Quel autre SuperMicrobiologiste aimerait voir passer dans la boîte (de Petri) à questions ?

 Je dirais Charlotte Gaviard qui est en train de co-créer un super projet de sélection et d’amélioration de microoalgues (ça reste des microorganismes non ?)

Merci beaucoup Nicolas !

A qui le tour ? Si vous aussi, vous souhaitez vous asseoir dans notre « Boite (de Petri) à Question »… contactez-nous !

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