Microbiologie pharma : Comment broyer les comprimés ?
Article “Super transparent”
Interscience nous a demandé d’écrire un article sur le sujet, mais nous a laissé une liberté totale dans l’écriture (et ça c’est super cool).
Dans l’industrie pharmaceutique non stérile, pour pouvoir lancer les analyses microbiologiques d’un comprimé, il faut d’abord remettre ce comprimé en suspension… Et ça, ça peut être une véritable galère.
Pour faciliter cette étape, plusieurs labos pharmaceutiques ont adopté une technologie qui vient tout droit de la microbiologie alimentaire (pour une fois que ça va dans ce sens !). Cette technologie c’est le malaxeur à pales.
Mais attention, même si l’utilisation d’un broyeur aide grandement les microbiologistes, cette étape n’est pas sans… risque.
Nous avons interrogé plusieurs laboratoires de CQ microbio pour comprendre comment ils ont optimisé l’utilisation de leur broyeur.
“Les microbiologistes ne broient pas que du noir, ils broient aussi… des comprimés”
Sommaire :
- Pourquoi faut-il broyer les comprimés ?
- Les méthodes pour broyer les comprimés pharmaceutiques
- L’utilisation d’un malaxeur à pales
- Comment éviter les fuites des sachets de broyage ?
Pourquoi faut-il broyer les comprimés ?
Le broyage est la première étape de l’analyse microbiologique des comprimés. Pour comprendre l’importance d’obtenir un broyage de qualité, voici en résumé en quoi consiste l’analyse microbiologique des comprimés.
Dans l’industrie pharmaceutique non stérile, les comprimés sont analysés selon le chapitre 2.6.12 de la pharmacopée européenne.
Les étapes de l’analyse sont les suivantes :
- 10 g de comprimés sont dilués dans 90 mL de bouillon avec ou sans neutralisants.
- On homogénéise (c’est l’étape de broyage).
- On dépose 1 mL sur boite TSA pour le dénombrement des bactéries.
- On dépose 1 mL sur boite SDA pour le dénombrement des levures et moisissures.
- On incube 10 ml dans du bouillon d’enrichissement pour vérifier l’absence de microorganismes spécifiés.
- Dans certains cas, on peut aussi lancer un test pour vérifier l’absence de salmonelle dans 10 g de comprimés.
L’homogénéisation est donc une étape primordiale pour le reste de l’analyse.
Il faut que les comprimés soient entièrement pulvérisés de façon à garantir une extraction totale des microorganismes de la matrice.
Mais broyer un comprimé (qui est souvent très dur) de façon stérile est un véritable défi.
Les méthodes pour broyer les comprimés pharmaceutiques
Nous avons demandé sur LinkedIn aux SuperMicrobiologistes, quelles méthodes ils utilisaient pour broyer leurs comprimés et gélules. Voici le résultat du sondage :
On avoue avoir été surpris par la proportion de microbiologistes qui utilisent encore la technique du mortier et du pilon.
Avant d’aborder le cas des broyeurs à pales, voici les autres techniques utilisées pour broyer des comprimés.
Le mortier et le pilon
Très pratique pour préparer la menthe de nos mojitos, le mortier et le pilon sont également utilisés dans les laboratoires de microbiologie pour concasser des comprimés. La technique est simple, on dépose les comprimés dans le fond du mortier et on les concasse avec le pilon.
Avantage :
- Ça ne coûte pas cher et…ça ne tombe pas en panne.
Inconvénients :
- Ça peut faire mal aux articulations du.de la microbiologiste.
- Non reproductible : Le broyage est difficilement standardisable
- C’est un système « ouvert », le risque de contamination est donc important.
- Il faut nettoyer et stériliser les instruments entre chaque échantillon.
Le blender
Encore un appareil qui permet de faire des cocktails… à croire que les microbiologistes ne pensent qu’à ça !
Dans certains laboratoires de microbiologie, on utilise ce type de blender pour broyer les comprimés. On y met 10 g de cachets et 90 mL de diluant (base TSB ou pharmacopée).
Avantages :
- Le broyage est efficace et rapide.
- Méthode reproductible : On peut standardiser un temps d’homogénéisation.
Inconvénients :
- Il faut nettoyer et stériliser le bol entre chaque échantillon (si on en a plusieurs par jour il faut donc plusieurs blenders).
- Ils sont en verre, donc fragiles… cela peut coûter rapidement cher.
- Plusieurs laboratoires nous ont rapporté qu’il pouvait y avoir des fuites et que l’hélice peut aussi casser.
- Si le laboratoire utilise un diluant avec des neutralisants, cela va mousser et donc créer un biais analytique (ou alors il faut attendre que la mousse retombe).
- L’impact de l’hélice sur la viabilité des microorganismes pose des questions.
L’agitateur avec barreau magnétique
Lorsque la composition des comprimés le permet (facilement soluble dans l’eau), on peut placer les comprimés et le diluant dans un contenant stérile, avec un barreau aimanté sur un agitateur magnétique.
La rotation du barreau va aider à dissoudre les comprimés. Pour améliorer la dissolution, on peut même chauffer… un peu. L’objectif n’est pas de griller les microorganismes non plus !
Avantages :
- Fonctionne très bien pour les formes pâteuses.
- Ne fait pas de bruit.
- Méthode reproductible : On peut standardiser un temps d’homogénéisation.
Inconvénients :
- Il faut stériliser le barreau entre chaque utilisation (et le garder stérile).
- La dissolution doit se faire assez rapidement (10-15 minutes max) pour éviter la multiplication des microorganismes.
- Il faut utiliser un contenant stérile à usage unique.
L’utilisation d’un malaxeur à pales
Les malaxeurs à pales (ou broyeur péristaltique ou Stomacher®… mais attention, ça c’est le nom d’une marque) sont utilisés depuis des dizaines d’années dans les laboratoires de microbiologie alimentaire.
Le principal avantage de cet appareil est de pouvoir broyer/homogénéiser une matrice dans un diluant sans risque de contamination extérieure.
Les comprimés et le diluant (TSB) sont ajoutés dans un sachet stérile, ce qui permet de protéger l’échantillon. Les pales du broyeur viennent ensuite broyer l’échantillon.
Avantages :
- Les échantillons sont broyés sans effort dans un contenant stérile (le sachet) qui ne coûte pas cher.
- L’utilisation d’un sachet avec filtre permet d’éviter de pipeter des particules qui pourraient interférer à la lecture (ressemblance avec des colonies).
- On élimine les étapes de nettoyage entre les échantillons, gain de temps, mais aussi on élimine aussi les risques des contaminations croisées.
- Méthode reproductible : On peut standardiser un temps d’homogénéisation.
Inconvénients :
- Il faut acheter un broyeur.
- Le broyeur peut être bruyant… en fonction du modèle, il faut donc bien choisir !
- Le sachet peut percer… et ça c’est vraiment la galère !
Comment éviter les fuites des sachets de broyage ?
Le perçage des sachets de broyage n’est pas une fatalité. Les laboratoires avec lesquels nous avons échangé ont mis en place des protocoles permettant de ne plus avoir aucune fuite.
Chaque comprimé ayant ses propres spécificités (taille, dureté, forme), il est possible que vous ayez besoin de différents protocoles pour arriver à vos fins.
Les laboratoires que nous avons interrogé nous ont donné quelques astuces pour éliminer les sachets qui percent, les voici :
Le réglage des pales du broyeur
Avec certaines marques de broyeurs on peut régler la profondeur (et donc la puissance) des pales. Cela permet d’éliminer une grande partie des sachets qui percent.
Les laboratoires que nous avons interrogés utilisent un broyeur BagMixer de chez Interscience. Ce modèle permet de modifier le réglage des pales en fonction du type de comprimé qu’ils ont à broyer.
Il est donc important que ce réglage puisse se faire facilement et rapidement (sans avoir à « démonter » le broyeur).
D’après les 3 laboratoires pharmaceutiques qui l’utilise, ce modèle à la particularité d’être silencieux (modèle BagMixer de chez Interscience).
Le réglage de la vitesse de broyage
Sur la majorité des broyeurs on peut régler la vitesse de broyage. En réalité, il s’agit de la fréquence de battement des pales. Ce réglage permet également de diminuer le nombre de sachets qui percent.
Un broyage séquentiel
Un des laboratoires interrogés, qui a des comprimés très (très) durs, a mis en place un protocole séquentiel.
Le labo fait 3 séquences de broyage de 2 minutes chacune. Il avance les pales à chaque étape pour diminuer la granulométrie du comprimé, sans créer de bord tranchant (qui pourraient percer le sachet).
Un sachet plus solide
Le broyeur est une technologie qui nous vient de l’agroalimentaire. Dans ce domaine, on procède à des centaines de milliers de broyage par an. Pour des questions de coûts, les fournisseurs de sachets ont réduit au maximum leur épaisseur (en plus les matrices sont souvent molles).
Un sachet standard ne conviendra donc pas pour les matrices pharmaceutiques.
La majorité des laboratoires que nous avons interrogés ont donc opté pour les sachets plus costauds comme le BagPage XR de chez Interscience qui est 50% plus épais.
Le pré-traitement des comprimés
Pour les comprimés vraiment compliqués il est possible de combiner 2 étapes :
- Les comprimés et le diluant sont agités 10 minutes dans un contenant stérile avec un barreau magnétique.
- Le pot est transféré dans un sachet, puis broyé 1 à 2 minutes avec un broyeur à pales.
Broyer et chauffer en même temps
Pour éviter les 2 étapes que nous venons de décrire, un des laboratoires interrogés utilise un broyeur qui broie et chauffe en même temps, le WarmMix d’Interscience.
Le chauffage permet de ramollir le comprimé, et le broyeur permet de le… broyer. La combinaison des 2 est apparemment très efficace !
Conclusion
Le broyage des comprimés pharmaceutiques peut être un vrai casse-tête pour les laboratoires de CQ microbiologique.
Pour simplifier cette étape, certains labos ont adopté une technologie venant de la microbiologie alimentaire; Le malaxeur à pales.
Bien que cet appareil ait beaucoup de qualités (broyage rapide, sans effort dans un contenant stérile peu coûteux), il a un défaut identifié qui est le risque de fuites des sachets.
Pour limiter ce risque de fuite, les labos doivent adapter leur protocole de broyage (excellent sujet de stage, non ?!) en jouant sur les pales, la vitesse de broyage, l’utilisation de sachets plus résistants, ou même combiner plusieurs étapes de préparation.
Dernier point à prendre en compte : le bruit.
Un broyeur qui broie une matrice dure comme des comprimés peut faire beaucoup de bruit. Certains fournisseurs ont développé des broyeurs “silencieux” et ça, ça peut éviter de nombreux nervous breakdown au labo !
Si vous avez des questions concernant le malaxeurs à pales, n’hésitez pas à les poser directement en commentaire ou contactez un.e spécialiste Interscience.
Nous remercions Interscience de nous avoir laissé carte blanche sur le sujet. C’était passionnant !
Nous souhaitons également remercier Julien Jardel, Guillaume Pinon et Jules Costa.
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-« mL » pas « ml »
-espace entre valeur et unité : « 10 g » et non « 10g »
-mortier/pilon après désinfection : utilisation sous PSM = pas de contaminations
Salut Sébastien,
Merci pour les corrections 😉 et le conseil d’utilisation sous PSM.