Monitoring Environnemental : Comment choisir les températures d’incubation de vos milieux de culture ?

Cet article nous est proposé par une SuperMicrobiologiste, Ségolène Charrat consultante en maitrise de la contamination (entre autres) chez Cophaclean. Si vous aussi vous souhaitez écrire un article pour le blog, contactez nous à l’adresse suivante : pierre@supermicrobiologistes.fr

Le but du monitoring environnemental est de fournir l’assurance que les salles propres et les équipements de traitement de l’air continuent de fournir un environnement de qualité appropriée conformément aux exigences de conception et de réglementation (§9 Eudralex Volume 4 EU Annex 1 du 25 Août 2022).

En cela, le monitoring environnemental est un outil de maîtrise de la qualité des environnements de production des médicaments mais aussi dispositifs médicaux, produits cosmétiques, produits de biotechnologies qui peuvent être amenés à être produits dans un environnement propre et maîtrisé.

Comme tout outils, le monitoring environnemental est pertinent et permet d’informer sur le niveau de qualité de l’environnement de production, dès lors que les paramètres de l’outil sont bien pensés pour la mise en évidence des facteurs étudiés.

A ce titre, la définition du programme d’incubation est un paramètre essentiel de l’outil qu’est le monitoring environnemental car il va influer sur le niveau de détectabilité de certains microorganismes et dans certains cas permettre d’inclure ou d’exclure la culture de certains microorganismes.

Alors comment peut on définir les températures d’incubation d’un programme de monitoring environnemental ?

Quels sont les températures les plus communément employées et pourquoi ?

Que dit la réglementation à ce propos ?

Enfin, doit-on obligatoirement suivre ce qui est réalisé par la majorité des industriels ?

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Quel est à ce jour le contexte réglementaire sur le sujet ?

Le monitoring environnemental ou surveillance environnementale est encadré par de nombreux textes réglementaires, normes et guidelines traduisant des exigences fortes pour cet outil pouvant être très pertinent comme très risqué d’utilisation.

D’un point de vue contexte réglementaire, les BPF pour l’industrie pharmaceutique ainsi que l’ISO 22716 pour les produits cosmétiques et enfin l’ISO 13485 (2016) pour les dispositifs médicaux apportent des exigences en matière d’exploitation des données de surveillance de l’environnement.

Néanmoins ces textes n’apportent que peu de précisions sur le contenu d’un programme de monitoring environnemental et encore moins sur le programme d’incubation comprenant les températures d’incubation des géloses.

L’Annexe 1 des BPF parue au mois d’Août 2022 ainsi que la norme NF EN 17141 (2020) viennent apporter plus de précisions quant aux attentes sur le contenu du programme de surveillance et également sur les températures d’incubations.

La norme NF EN 17141, applicable aux salles propres et environnements maîtrisés et apparentés, et qui remplace en France l’ISO 14698-1 et 2, apporte des éléments importants quant aux températures d’incubation d’un programme de monitoring environnemental.

Cette norme reste néanmoins d’application volontaire et n’a pas encore été harmonisée au niveau International (ISO).

En matière de température d’incubation des programmes de monitoring environnemental, il existe également des Guidelines qui peuvent orienter sur certaines pratiques possibles avec notamment le Technical Report n°13 de la PDA, l’USP 1116 (Aseptic Processing Environments) de la FDA et également le Guide de l’OMS sur le Monitoring Environnemental des Salles Propres dans les installations de fabrication de vaccin.

Que préconisent les différentes Normes et Guidelines ?

Le texte le plus avancé sur la question et pouvant s’appliquer à tout type d’industrie de santé produisant en salle propre ou environnement maîtrisé apparenté, est la Norme NF EN 17141 (2020).

Cette norme explique l’intérêt de l’incubation à 32,5 ± 2,5°C pendant au moins 3 jours et de l’incubation à  22,5 ± 2,5°C pendant au moins 4 jours. Dès lors qu’elle est revendiquée par un industriel, la recommandation de mise en incubation entre 20 et 35°C avec une tolérance de ± 2,5°C par rapport à la température cible s’applique.

Pour l’USP 1116 applicable aux environnements de procédés aseptiques, cette même plage de températures comprise entre 20 et 35°C doit être appliquée pendant un minimum de 3 jours.

Enfin les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la production de vaccins mettent en avant la synergie d’une double incubation de 3 à 5 jours à 22,5 ± 2,5°C puis 2 à 3 jours supplémentaires à 32,5 ± 2,5°C.

Sur la même thématique : Guide d’achat des milieux de culture pour les contrôles environnementaux

Quelle est la différence entre ces différentes plages d’incubation et quel est leur intérêt ?

A ce jour les deux plages de températures les plus communément utilisées pour le monitoring environnemental des salles propres sont les plages 22,5 ± 2,5°C et 32,5 ± 2,5°C.

La plage de température entre 22,5 ± 2,5°C permet la croissance de la plupart des levures et moisissures mais également des bactéries parvenant à survivre en salles propres puisque cette température se rapproche grandement des températures retrouvées dans les zones de production, avoisinant la plupart du temps les 20°C.

Entre 32,5 ± 2,5°C il est communément admis que les bactéries aérobies totales peuvent être cultivées. Néanmoins il est possible de se demander si à cette température les microorganismes et notamment les bactéries les plus mal en point, survivants dans un environnement peu propice que sont les salles propres, ne seraient pas susceptibles d’être stressées et leur reprise de croissance affectée par une mise en incubation directement à cette température après prélèvement.

Si ces deux plages de températures permettent chacune la croissance d’un certain nombre de microorganismes recherchés dans les environnements propres et maîtrisés, l’utilisation d’une combinaison de ces deux plages de températures peut alors avoir un intérêt significatif en comparaison de l’utilisation d’une température unique.

Les limites du 32,5°C suivi du 22,5°C

Ainsi le programme d’incubation comprenant une incubation primaire de 2-3 jours minimum à 32,5 ± 2,5°C puis 3-4 jours à 22,5 ± 2,5°C permettrait le développement théorique des bactéries aérobies totales puis de la flore fongique avec les levures et moisissures.

Cependant cette combinaison de températures pourrait avoir ses limites pour deux raisons : 

  • Le stress physiologique que peut représenter un passage d’un environnement à environ 20°C vers un incubateur à 32,5 ± 2,5°C pour un organisme potentiellement stressé et diminué, qui peut avoir ralenti son métabolisme ainsi que son temps de génération, peut impacter sa capacité à croître et même à survivre ;
  • Mais aussi, le risque de voir une population fongique sous-estimée par le choc thermique que peut représenter une mise en culture primaire à 32,5 ± 2,5°C pour certains de ces organismes, entraînant ainsi une létalité d’une partie de la population avant qu’elle n’ait eu l’occasion de se développer sur la gélose.

Les limites du 22,5°C suivi de 32,5°C

Enfin, il est possible de combiner ces deux plages de températures en réalisant une incubation primaire de 3-4 jours à 22,5 ± 2,5°C puis une incubation secondaire de 2-3 jours à 32,5 ± 2,5°C. Encore une fois ce programme pourrait permettre la culture tant bien de la flore fongique que des bactéries aérobies totales.

Si cette combinaison semble permettre de lever les deux limites apportées par le programme vu précédemment, elle présente néanmoins également ses limites :

  • Certaines bactéries d’origine humaine qui connaissent leur température optimale de croissance autour de 30-35°C voire 37°C pour certains pathogènes humains, pourraient être affaiblies voire précocement tuées par une incubation de plusieurs jours à 22,5 ± 2,5°C.
  • La culture dans un premier temps de la flore fongique peut avoir comme impact l’envahissement de la gélose par certaines moisissures, entraînant ainsi l’impossibilité pour les bactéries de se développer ou bien l’impossibilité de lire la gélose et de dénombrer dans de bonnes conditions les colonies bactériennes qui se seraient développées lors de la première et de la deuxième phase d’incubation.

Quels sont les programmes les plus appliqués à l’heure actuelle et pourquoi ?

Selon une enquête client réalisée en 2017 par la société BioMérieux en France, ainsi que les observations terrains que j’ai pu réaliser à ce sujet, une majeure partie des industriels réalisent des incubations avec l’utilisation d’une double plage de températures.

Toujours selon les chiffres de l’enquête BioMérieux, ils seraient près de 60% à avoir choisi ce type de programme incluant une double incubation. 37.5% d’entre eux auraient mis en place le programme 20-25°C puis 30-35°C contre 21.4% qui auraient choisi d’incuber d’abord à 30-35°C puis 20-25°C.

Moins de 40% des industriels Français réaliseraient donc des incubations uniques ou d’autres types de programmes d’incubation.

Une étude similaire ayant été réalisée par la PDA (Parenteral Drug Association) indique que 61% des industriels interrogés réalisent leurs incubations à 20-25°C puis 30-35°C. 12% auraient choisi d’incuber à 30-35°C puis 20-25°C soit plus de ¾ des industriels qui auraient choisi un programme d’incubation sur la base de températures combinées.

Si les programmes d’incubation comprenant une double température semblent si plébiscités c’est qu’ils permettraient la culture d’un plus grand nombre de microorganismes et notamment de détecter la plupart des microorganismes d’intérêts qui peuvent être rencontrés dans un environnement propre maîtrisé.

Néanmoins si un consensus n’a pas encore été trouvé à ce sujet c’est bien que la seule exigence d’un tel programme soit de permettre la détection des microorganismes dits d’intérêt. 

Les microorganismes d’intérêts sont définis comme étant une « contamination microbiologique ayant été identifiée comme dangereuse pour le produit ou le procédé, ou pour son utilisateur, dans un environnement propre maîtrisé » par la norme NF EN 17141 (2020).

Chaque procédé et chaque produit pouvant présenter des spécificités il est donc logique que les microorganismes d’intérêts diffèrent d’un site de production à l’autre et que par conséquent les programmes de monitoring environnemental pour les détecter soient différents.

La piste de la température unique d’incubation

Malgré des avantages non négligeables pour la mise en évidence des microorganismes d’intérêt, les programmes d’incubation comprenant deux plages de températures peuvent présenter des inconvénients techniques comme décrit précédemment mais également un inconvénient économique et qualité majeur : le temps.

En effet l’application d’une double plage de températures d’incubation a pour effet de prolonger la durée totale d’incubation par rapport à l’utilisation d’une seule plage de températures.

Cependant il a été relevé que dans la plupart des cas, les plages de températures uniques pourraient présenter l’inconvénient technique de ne pas permettre la culture d’autant de microorganismes qu’une synergie de deux plages de températures.

Dans ce contexte, une étude a été lancée par deux experts des sociétés Sanofi Vaccines et bioMérieux afin d’étudier la capacité d’une plage unique de température décrite dans la Pharmacopée Japonaise, l’incubation à 25-30°C pendant au moins 5 jours.

Le résultat de cette étude a été présenté au cours des journées microbiologiques en 2022. L’étude réalisée à une plage de température de 25-30°C pendant 7 jours montre qu’une grande partie des microorganismes étudiés (souches de références et souches sauvages site) obtiennent un taux de recouvrement satisfaisant (entre 50 et 200%) par rapport à la valeur cible de l’étude qui a été réalisée avec une incubation à 22,5 ± 2,5°C (5 jours) puis 32,5 ± 2,5°C (2 jours).

Néanmoins l’étude a également mis en évidence que ce programme d’incubation unique pouvait se révéler moins efficace sur certains genres de microorganismes comme Cladosporium spp qui se cultive mal à cette température. Ce genre fongique faisant parti du top 3 des moisissures les plus retrouvées sur les sites industriels, il serait par conséquent sensible de fixer un programme d’incubation avec cette température alors que la réglementation en vigueur demande de s’assurer de la détection des microorganismes pouvant se développer dans les environnements de production.

Sur la base de ces observations, des protocoles complémentaires ont été menés pour tester des plages de températures uniques de 25°C et de 22,5°C. Pour cela des microorganismes avec des plages de températures de croissance optimales allant jusqu’à 30-37°C ont été étudiés.

A ces températures uniques, plus basses, la croissance de Cladosporium spp est optimale avec un recouvrement satisfaisant. Néanmoins la culture de Corynebacterium striatum est compliquée et ne permet pas de retrouver un recouvrement satisfaisant pour les paramètres de l’étude.

L’étude conclut qu’une température unique d’incubation est possible pour un programme de monitoring environnemental. Néanmoins aucune des températures testées ne permet une culture optimale de tous les microorganismes testés dans le cadre de cette étude.

Sur la même thématique : L’importance des neutralisants dans les milieux de culture de suivi environnemental

En conclusion, quel programme choisir et pourquoi ?

La réglementation et les spécificités techniques liés à la détection de microorganismes spécifiques font qu’il n’existe à l’heure actuelle, pas de programme avec une température et une durée d’incubation idéales pour le monitoring environnemental de manière universelle.

Chaque programme de monitoring environnemental doit donc être adapté au procédé de fabrication, au produit et aux risques que peuvent représenter certains microorganismes de par leur présence dans l’environnement de production. Ainsi, après avoir défini les microorganismes d’intérêt, un programme d’incubation doit être défini sur la base de sa capacité à détecter et mettre en évidence la présence de ces microorganismes dans l’environnement.

Parmi les différentes possibilités existantes à l’heure actuelle, un programme doit être identifié en ayant conscience des avantages et des inconvénients de chacun des types d’incubation. Ainsi, si des incubations à double plages de températures peuvent permettre la croissance d’un plus grand nombre de microorganismes, l’utilisation d’une plage unique de températures, si elle est adaptée à la flore retrouvée dans l’environnement de production, peut permettre une identification plus précoce et suffisante des microorganismes présents dans la zone.

Quel que soit le choix de programme d’incubation réalisé, celui-ci doit être basé sur une évaluation des risques puis justifié. Sa capacité à mettre en évidence les microorganismes recherchés doit être démontrée et validée.

A ce jour, il s’agit des seuls éléments requis et « challengeables » lors de vos audits techniques.

L’établissement de températures d’incubation adaptées à la flore recherchée, couplé à une durée d’incubation suffisante sont la clef d’un programme de monitoring environnemental efficace et permettant l’obtention de données intéressantes à exploiter dans le cadre de cette surveillance de l’environnement.

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4 réponses
  1. BOUTOUTE
    BOUTOUTE dit :

    Bonjours vous sitez différent pourcentage pour les types de programmes d’incubation utilisé dans les industries. Aurez vous le lien de ces sites ? ou le nom de l’article ? (Biomérieux ; PDA (Parenteral Drug Association))

    Répondre

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