Les 10 différences majeures entre l'ancienne version de la norme ISO 7218 et la nouvelle version ISO 7218:2024

Nouvelle norme ISO 7218:2024 : Qu’est-ce qui change ?

Cela fait des mois qu’on l’attendait ! Voici (enfin) la nouvelle norme ISO 7218:2024 (Microbiologie de la chaîne alimentaire — Exigences générales et recommandations pour les examens microbiologiques) qui remplace la norme ISO 7218:2007 (et son amendement de 2013).

Mais concrètement, quels changements cette nouvelle version apportera-t-elle au quotidien de nos laboratoires de microbiologie accrédités ?

Pour le savoir, nous avons demandé à Nadège Pioche et Muriel Coignard de nous expliquer 10 différences entre l’ancienne et la nouvelle version.

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1 – Précautions contre la contamination croisée

La version précédente de la norme traitait de la contamination croisée, mais la nouvelle version de 2024 propose des directives plus détaillées et des exigences renforcées pour garantir que les laboratoires suivent les meilleures pratiques pour minimiser ce risque.

Séparation des échantillons

L’ISO 7218:2024 incite fortement à séparer les flux de préparation des échantillons en fonction de leur nature et de leurs potentielles contaminations (Section 4.4.2).

Cette séparation peut se faire dans le temps (l’un après l’autre) ou dans l’espace (dédier des locaux et du matériel pour chaque type de produits), (Section 4.5.1).


Exemples :

  • Séparer l’analyse des produits en poudre de ceux connus pour contenir une contamination élevée. (Section 4.4.2)
     
  • Séparer l’analyse des produits alimentaires “stériles” des autres échantillons. (Section 4.4.2)
  • Allouer du matériel dédié pour les analyses de pathogènes (pipettes, chariots) (Section 6.1)

Hygiène du personnel

Pour limiter les contaminations croisées au laboratoire, quelques nouvelles précautions ont été ajoutées en ce qui concerne l’hygiène du personnel.

Exemples : 

  • Utiliser des blouses à manches longues avec des “élastiques au niveau des poignets”. (Section 5.4)
  • Utiliser des chaussures dédiées à la manipulation d’agents pathogènes. (Section 5.4)
  • Laisser les téléphones, oreillettes et bijoux à l’extérieur du labo. (Section 5.4)

Avis de Nadège Pioche:

Des exigences complémentaires par rapport aux locaux avec la séparation des échantillons selon leur criticité, ce qui impactera les petits laboratoires et demandera pour certains une réorganisation.

Quant à la tenue, juste une formalisation des bonnes pratiques déjà prises en compte dans nombreux laboratoires.

Avis de Muriel COIGNARD :

Les laboratoires d’entreprises ont, pour la plupart, des règles bien établies par rapport au port de bijoux et à l’utilisation d’objets personnels. Ce n’est pas toujours le cas des laboratoires prestataires qui devront donc s’adapter : c’est plutôt une bonne chose que les objets personnels et bijoux soient interdits, cela permettra de faciliter le lavage des mains et de limiter les risques de contamination croisée (via les téléphones par exemple).

2 – Les Contrôles Qualité Interne (CQI) 

Dans cette nouvelle version de l’ISO 7218 la description des CQI est bien plus précise que dans l’ancienne version.

Définition des différents témoins de processus

Les différents témoins de processus sont très clairement listés et décrits (échantillons blancs, témoins positifs, témoins négatifs, etc…). (Section 16.2.2).

Choix des souches

Une nouvelle section (plutôt explicative) vient donner des informations sur le choix des souches à utiliser en fonction de la nature des analyses (Section 14).

La section 16.2.2.3, donne des informations plus précises sur les souches utilisées comme témoin positif. Ces souches doivent être “similaires aux souches contaminantes”, mais “facilement différentiables” en cas de contamination croisée.

Il est même recommandé d’utiliser des microorganismes peu fréquents ou génétiquement modifiées (fluorescentes ou luminescente) 

Niveau de contamination

Pour les tests qualitatifs, il est conseillé d’utiliser des témoins positifs avec un niveau de contamination très faible, entre 3 et 10 cfu. (Section 16.2.2.3).

Plan de contrôle

Le programme de contrôle qualité interne (CQI) doit être proportionnel au nombre d’échantillons analysés. (Section 16.2.1).

Cela signifie que c’est au laboratoire de décider, en fonction d’une analyse de risque, du niveau de risque acceptable concernant une non-conformité, ce qui se traduit généralement par le nombre de tests à refaire.

Avis de Nadège Pioche : 

Un certain coût pour les laboratoires entre l’achat des souches et les analyses “gratuites”. Les laboratoires vont devoir se creuser la tête pour allier contrôle qualité et coût qualité. Aucune fréquence préconisée, le laboratoire construira donc son programme qualité en fonction de son évaluation des risques.

L’intégration de ces contrôles qualité entraîne un risque non négligeable de contamination croisée. Les laboratoires devront organiser ces contrôles le plus proche possible des échantillons de routine pour que les résultats soient représentatifs tout en sécurisant le process et l’environnement analytique. 

Avis de Muriel COIGNARD :

Les éléments relatifs au plan de contrôle qualité interne sont bien étoffés dans cette nouvelle version. Les laboratoires devront établir un programme de contrôle adapté à leur activité en cherchant le compromis idéal entre en faire « assez », sans en faire « trop ».

Certes, la réalisation de contrôles avec des souches cibles peut présenter un risque de contamination croisée, cependant l’utilisation de souches « rares » ou faciles à repérer devrait permettre de limiter ce risque. Les niveaux faibles de contamination pour les contrôles positifs des méthodes de détection permettront aux tests d’être plus pertinents.

3 – Températures de transport et congélation des échantillons

Températures de transport

La température pour le transport des échantillons stables et non stables est modifiée (Section 9.2). : 

  • Produits stables : Il est recommandé de transporter à température ambiante, entre 18°C et 27°C, au lieu de <40°C.
  • Produits non stables à température ambiante (non congelés ou surgelés) : Il est recommandé de transporter à 5°C ± 3°C, au lieu de 1 à 8°C.

Avis de Nadège Pioche :

Les laboratoires vont devoir mettre en place des outils logistiques permettant de transporter les produits stables entre 18°C et 27°C. 

De plus, les produits non stables et les produits stables ne pourront plus être transportés ensemble.

Cette modification risque d’avoir un impact sur le prix du transport.

Congélation des échantillons

La congélation des échantillons avant et après essai est interdite, pour éviter toute modification de la charge microbienne (Section 9.3).

Avis de Nadège Pioche :

Tout d’abord je pense que c’est une modification pertinente quand on connaît l’impact que peut avoir la congélation sur une population microbienne.

Le fait de ne plus pouvoir congeler les échantillons non stables à T°C ambiante et de devoir les analyser entre 24 et 36h après le prélèvement va avoir un impact sur l’organisation des laboratoires de contrôle, notamment pour les WE.

Avec cette nouvelle version il va falloir repenser l’organisation du laboratoire soit en lançant des analyses le WE (il faudra trouver du personnel pour cela), soit en décalant les analyses (dans ce cas le résultat sera donné hors accréditation).

Ces modifications impactent également le transport puisque les produits stables ne pourront plus être envoyés dans les mêmes conditions que les produits réfrigérés. En effet, les produits stables ne pourront être transportés à une température inférieure à 18°C.

Faudra-t-il un transport à température régulée pour tous les échantillons ? et dans ce cas à nouveau un surcoût pour le laboratoire

Avis de Muriel COIGNARD :

La congélation a un effet délétère sur les microorganismes, en particulier les bactéries Gram- : il est donc important que cette nouvelle version l’interdise avant analyse (sauf pour les produits déjà congelés bien sûr).

La norme interdit également de refaire un essai sur un échantillon déjà analysé, dans le seul but d’obtenir un résultat « meilleur » : cette interdiction rejoint la recommandation du Codex depuis de nombreuses années.

Certains laboratoires, habitués à congeler les échantillons de leurs clients, pour faciliter l’organisation du laboratoire, devront apprendre à travailler autrement : commencer les analyses dès réception, travailler les samedis et dimanches ou bien encore utiliser des étuves réfrigérées.

Avec le GEN REF 11 du COFRAC imposant de rendre tout résultat sous accréditation à partir du moment où le paramètre est dans la portée d’accréditation du laboratoire, ces derniers s’étaient déjà organisés dans ce sens, depuis 2021, et ne congelaient déjà plus.

4 – Dilution et suspension mère

Dilutions successives

Utiliser des volumes de 1 ml et 0,1 ml de la suspension mère est considéré comme des « dilutions successives » (Section 11.2.1).

Avis de SuperMicrobiologistes :

Cela permet de gagner 1 tube de dilution et… du temps de manipulation. 

Volume de l’inoculum >1ml

Lorsque de faibles nombres de micro-organismes (< 10 ufc/ml) sont attendus, le volume d’inoculum utilisé pour l’ensemencement en profondeur peut être augmenté (par exemple, plus de 1 ml).

Toutefois, il est important de maintenir le même rapport entre le volume d’inoculum et la quantité de milieu de culture que pour un inoculum de 1 ml (Section 11.2.2).

Avis de Muriel COIGNARD :

Ces nouvelles modalités vont permettre i) l’utilisation d’un nombre plus faible de tubes de dilutions et ii) l’ensemencement de volumes plus élevés dans de grandes boîtes de Petri (diamètre 140 mm) et ainsi limiter le nombre de boîtes ensemencées lorsque les laboratoires doivent atteindre un seuil de détection < 1 ufc / g.

Ensemencement de la suspension mère

Dans l’ancienne version on avait jusqu’à 45 minutes entre la préparation de la suspension mère et l’ensemencement. Maintenant, on à 20 minutes avec un maximum de 45 minutes (Section 10.2.1)

Avis de Muriel COIGNARD :

Les évaluateurs du COFRAC risquent d’être plus strict sur ce temps maximal entre la fin de la préparation de la suspension mère et le coulage de la gélose en boîtes de Petri, puisque la norme indique maintenant un temps recommandé plus court.

Les laboratoires pourront réduire le nombre d’échantillons par série pour être certains de ne pas dépasser les 45 minutes.

5 – Calculs : Suppression du N’

Le N’ était utilisé lorsque le calcul d’une moyenne pondérée n’était  pas possible car une seule boite était comptable. Le N’ n’est plus mentionné.

Avis de Muriel COIGNARD :

Cela va alléger le paramétrage des LIMS pour les laboratoires nouvellement accrédités. 

6 – Métrologie : Profil de température pour l’incubation des larges prises d’essai

La prise d’essais des échantillons supérieurs à 25g (ex : 375g) est maintenant mentionnée.(Section 12.1).


Étant donné que ces bouillons d’enrichissement de plus grand volume prennent plus de temps à chauffer, il faut s’assurer que ce temps de montée en température est pris en compte pour respecter les durées d’incubation spécifiées dans la norme. Il est recommandé de réaliser un profil de température.(Section 6.3.2.4)

Avis de Muriel COIGNARD :

Les laboratoires analysant des échantillons de gros grammages avaient déjà l’habitude de vérifier ces profils. Il faudra cependant en garder la preuve.

7 – Moins de contrôles pour les milieux de culture PAE

Les tests de performances des milieux de culture pourront être réduits en cas d’utilisation de milieux Prêts à l’Emploi (PAE). selon ISO 11133.

Cependant il faudra vérifier que les conditions de transport et de stockage ont bien été respectées. (Section 8)

Avis SuperMicrobiologistes :

Demandez à votre fournisseur de milieux de culture PAE ce qu’il peut mettre en place pour vous assurer que les conditions de transport (Température) sont respectées.

Exemple : Un thermomètre data logger peut être placé dans le carton, certains camions sont également équipés de centrales de contrôle de la température.

Cela se fait couramment pour les milieux de culture PAE utilisés dans l’industrie pharmaceutique.

8 – Rapport d’essai : Ajout de l’année de publication

Il est désormais recommandé de mentionner l’année de publication de la norme internationale utilisée dans le rapport. (Section 15)

Avis de Muriel COIGNARD :

A contrario cette fois, cette exigence, qui de mon point de vue entre en contradiction avec la notion de portée flexible FLEX1 du COFRAC, va obliger les laboratoires à revoir le paramétrage de tous les paramètres, dans leur LIMS, pour y ajouter l’année de la norme. En cas de modification, il faudra revoir le paramétrage.

9 – Confirmations et Identifications : Nouvelles méthodes

La section 13.1 ouvre à l’utilisation de nouvelles méthodes de confirmation et d’identification, telles que la spectrométrie de masse ou le séquençage.   

Sauf indication contraire, ces méthodes peuvent être utilisées à la place des essais sérologiques et biochimiques spécifiés dans les normes.

10 –  Étude des écarts

Plusieurs fois dans cette nouvelle version de la norme ISO 7218:2024 il est mentionné qu’il faut tracer tous les résultats non conformes et qu’il faut également mettre en place des actions correctives.

Exemples :

  • “Il convient d’étudier tout écart par rapport aux résultats attendus ou tout résultat insatisfaisant et de faire suivre une nouvelle formation au personnel”. (Section 5.3)
  • “ Lors de l’évaluation des résultats d’EA, il est important non seulement d’examiner les scores individuels, mais aussi de rechercher d’éventuelles tendances afin d’évaluer et, si nécessaire, de corriger tout biais potentiel” (Section 16.3)
  • Il convient d’examiner les essais identifiés comme n’ayant pas été maîtrisés (analyse des causes) puis de mettre en place si nécessaire des actions correctives appropriées. (Section 16.2.1)

Bonus : Qu’est-ce que la norme ISO7218:2024 change pour les ensemencement en mode spiral ?

Nous avons posé cette question à Manon Laborie, responsable du support applicatif chez Interscience et membre du groupe qui a travaillé, avec sa collègue Sylvie VIBOUD, sur cette nouvelle norme.


La nouvelle version de l’ISO7218 intègre des nouveautés concernant la technique Spiral et ouvre potentiellement son utilisation pour le dénombrement d’autres indicateurs qualités comme la Flore Lactique, les Staphylococcus aureus et d’autres.

En effet, la technique Spiral est maintenant considérée comme une technique d’ensemencement au même titre qu’un ensemencement en surface. Auparavant très souvent considérée comme une “méthode”, elle était soumise à une validation, alors qu’une “technique” d’ensemencement demande de vérifier l’applicabilité de la technique au laboratoire si la norme le propose (Section 6.4.3 et 11.2.3.3 et 11.2.6.2))

Cette nouvelle version de l’ISO 7218 accompagne les utilisateurs de la technique Spirale sur les règles d’interprétation en détaillant les cas généraux et spécifiques permettant de rendre un résultat au plus proche du critère que le laboratoire doit respecter. (Section 11.2.6.2)

Le paragraphe sur le Spiral détaille et facilite la mise en place de cette technique d’ensemencement au laboratoire. Il accompagne également ses utilisateurs dans les choix du diluant comme, par exemple l’utilisation de solution saline, NaCl à 0,9%.

Des préconisations sont aussi apportées pour le désinfectant utilisé, qui peut être de l’éthanol à 70% ou encore de la javel avec un pourcentage de chlore actif selon les recommandations du fabricant. (Section 6.4.3.2)

De plus, les changements de cette norme incluent le fait de pouvoir diluer l’échantillon de façon automatique avant l’ensemencement et cela sur le même automate. (Section 6.4.4)

Voilà, vous êtes désormais à peu près à jour sur la nouvelle version de la norme ISO 7218.

Si vous travaillez dans un laboratoire de microbiologie de la chaîne alimentaire, nous vous recommandons tout de même de prendre le temps de lire attentivement la norme.

Et puis si vous avez remarqué d’autres modifications importantes, n’hésitez pas à les partager en commentaire !

Nous tenons à remercier chaleureusement Nadège Pioche1 et Muriel Coignard2 pour le temps considérable qu’elles ont consacré à nous expliquer cette norme et ses modifications.


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  1. Nadège Pioche : Accompagne les sociétés dans leur démarche Qualité : ISO 9001, ISO 22000, ISO 17025, HAS PSDM. Auditeur IRCA ISO 9001 ↩︎
  2. Muriel Coignard : Consultante Formatrice en Microbiologie ✔J’accompagne les entreprises alimentaires et les laboratoires d’analyses dans leurs pratiques pour garantir la qualité des produits fabriqués et la fiabilité des résultats. ↩︎
6 réponses
  1. Chaouki Belbachir
    Chaouki Belbachir dit :

    Merci pour l’information et le partage.
    Est c que un webinaire est prévu pour plus d’assimilation?

    Répondre

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