Microbiologie alimentaire : Comment les méthodes alternatives sont-elles validées ?
La majorité des laboratoires de microbiologie alimentaire français ne vont utiliser une méthode alternative que si elle est validée AFNOR ou MICROVAL
Mais savez-vous comment sont validées ces méthodes ?
Ça tombe bien parce que c’est pareil pour nous. Comme nous ne pouvions pas rester dans l’ignorance plus longtemps, nous sommes allés demander à Astrid et Maryse de l’ADRIA, l’un des labo experts français, de nous expliquer comment sont validées et certifiées les méthodes alternatives.
Les validations AFNOR et MICROVAL sont légèrement différentes, cependant le processus de validation est proche et ces organismes suivent tous les 2 la norme iso 16140-2.
Voici toutes les étapes pour qu’une méthode alternative obtienne la certification :
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1 – Contacter l’organisme de certification
Lorsqu’un fournisseur développe une nouvelle méthode, et qu’il souhaite la faire valider (bien entendu), la première chose à faire est de contacter l’organisme accréditeur pour demander la liste des laboratoires experts (cette liste peut varier en fonction des micro-organismes et des analyses concernées).
2 – Cadrer l’étude avec le labo expert
Le fournisseur contacte un (ou plusieurs) labo.s expert.s. L’objectif est de définir et de dimensionner l’étude. La définition de l’étude permet de vérifier que le fournisseur (et le labo) ont bien tous les éléments nécessaires pour entamer une validation ISO 16140-2.
- Ont-ils défini le scope de la validation « toutes catégories » ou une sélection de catégories limitée
- Est-ce que la méthode est appareillée* ou non ?
- Est-ce qu’un protocole de confirmation associé à la méthode est disponible ?
- Quels réactifs et instruments seront utilisés ?
- Les instructions d’utilisation de la méthode sont-elles complètes ?
- Le laboratoire expert est-il en mesure de valider cette méthode (accréditation) ? etc…
Ce dimensionnement permet au labo expert de proposer un projet et un devis au fournisseur. Ces études de validation représentent un investissement important en terme de temps (12 à 16 mois) et un coût important pour le fabricant. Le plan expérimental doit être bien réfléchi et préparé. .
*méthode appareillée = bouillon identique pour la méthode de référence et la méthode alternative
méthode non appareillée = bouillon différent pour les 2 méthodes.
3 – Présentation du projet au bureau technique
Le projet de validation est présenté lors d’un bureau technique (4 à 6 réunions par an). Lors de cet échange, les membres du bureau technique* discutent du protocole. Ils peuvent l’amender ou le compléter en demandant des tests supplémentaires (réplicas, matrices, souches, conditions d’inoculation).
Si le protocole est accepté, les tests peuvent alors commencer. Le laboratoire expert et le fabricant ont alors 1 an maximum (règle AFNOR) pour présenter les résultats de la première phase de tests.
*A l’AFNOR, le bureau technique est composé de 3 collèges :
– Utilisateurs de méthodes alternatives (labos publics ou privés industrie agro)
– Organismes techniques (Labos experts)
– Fabricants de méthodes alternatives
4 – Etude comparative
Ça y est, les premières analyses peuvent (enfin) être lancées. Vous aussi vous préférez les TP aux TD ?
Cette étude est menée dans le laboratoire expert. Elle permet de comparer la méthode alternative avec la méthode de référence en répondant aux questions suivantes :
- La méthode est -elle impactée par la matrice alimentaire et la flore interférente ?
- La méthode a-t-elle une sensibilité ou une justesse équivalente à la méthode de référence ?
- Est-elle spécifique au pathogène visé ?
Pour une méthode qualitative (détection des STEC par exemple) voici les tests qui sont effectués :
- Sensibilité : 60 analyses par catégorie de matrice (avec une variété de produits et de souches )
- Détermination de la RLOD (Relative Limit Of Detection). C’est une comparaison de la LOD50 entre la méthode de référence et la méthode alternative.
- Inclusivité et exclusivité (sans matrice)
Une telle étude peut durer plusieurs mois (en fonction du nombre de catégories évaluées).
5 – Etude interlaboratoires
Pour cette étude, le labo expert prépare un jeu d’échantillons qui est envoyé à plusieurs laboratoires :
- Au moins 10 laboratoires pour une méthode qualitative
- Au moins 8 laboratoires pour une méthode quantitative
Pour assurer le coup, bien souvent le labo expert et le fabricant ciblent 15 laboratoires. Il y a toujours des résultats non conformes, des échantillons perdus, cassés ou des problèmes au moment de l’analyse.
Ces échantillons sont constitués de produits contaminés (à différents taux) et de produits non contaminés.
Les laboratoires de l’étude interlabos doivent analyser les échantillons avec la méthode alternative ET avec la méthode de référence. On comprend donc pourquoi il n’est pas toujours facile de trouver des laboratoires qui acceptent de se prêter à ce “jeu” (bénévolement en plus de leur routine). Merci à eux, on a besoin de vous !
Cette étude permet de répondre aux questions suivantes :
- Les instructions d’utilisation sont-elles claires pour les laboratoires utilisateurs ?
- La méthode est-elle robuste et reproductible lors de l’analyse par d’autres laboratoires ?
6 – Présentation des résultats au bureau technique
Une fois les résultats de l’étude interlaboratoires obtenus puis passés à la moulinette des statistiques, on retourne présenter les résultats au bureau technique. Faudra penser à prendre une carte Grand Voyageur !
Le laboratoire expert et le fabricant présentent alors les résultats au bureau technique. Ils répondent aux questions du bureau, puis la délibération se fait.
Si la majorité du bureau technique voté pour, alors la méthode sera officiellement validée et donc certifiée. Champagne !!!
7 – La certification
Ici pas de podium, ni de marseillaise. Une fois la méthode validée par le bureau technique, elle est certifiée pour une durée de 4 ans*.
Un rapport de synthèse et un certificat sont délivrés et mis en ligne par l’organisme de certification (lien vers les validations AFNOR et MICROVAL, consultables gratuitement).
Il ne vous reste plus qu’à savoir lire et interpréter le rapport… et ça ce n’est pas la tâche la plus aisée. Pourtant cela sera très utile pour la vérification de méthode au laboratoire ISO 16140-3.
Ça tombe bien c’est le sujet de notre prochain article 😉
*Il existe une vie après la certification initiale: extension sur de nouvelles catégories ou protocoles, renouvellement tous les 4 ans. Les méthodes repassent à minima tous les 4 ans sur le « grill » du comité technique mais parfois beaucoup plus fréquemment si elles souhaitent modifier leur protocoles ou étendre leur utilisation. Et dans ce cas le processus reprend à nouveau. Avec l’intégralité ou une partie des tests à réaliser suivant la décision du bureau technique.
Merci à Astrid et à Maryse pour leur partage d’expérience et la relecture de cet article.
Quelques mots sur l’ADRIA :
- Labo expert depuis 1987.
- Labo spécialisé dans la validation de méthodes (ISO 16140-2 et 16140-6) et conseils à la mise en place des vérification de méthodes (ISO 16140-3)
- Accrédité sur plus de 25 méthodes (incluant la recherche des STEC).
- Propose des validations pour AFNOR, MICROVAL, NordVal, AOAC
- Le labo a présenté une cinquantaine de dossiers en comité technique AFNOR ou MicroVal (nouveaux projets ou extension ou renouvellement) en 2022.
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Merci pour cet article qui résume bien la mise en œuvre de la validation et certification de méthodes commerciales par AFNOR Certification.
Une précision, il ne s’agit pas d’un organisme d’accréditation mais de certification. Et un oubli, outre l’étude de validation technique, la certification comprend également un audit du management de la qualité de l’usine fabricant la méthode.
Merci beaucoup Bertrand pour cette relecture.
En effet il s’agit d’un organisme de certification et non pas d’accréditation (on s’y perd dès fois !). On a corrigé 😉
Merci beaucoup pour la précision concernant l’audit de l’usine du fournisseur, nous ne le savions pas et c’est effectivement important !