Microbiologie alimentaire : Comment limiter les contaminations croisées causées par les souches de contrôles ?
Les normes ISO 11133 et ISO 7218 imposent aux laboratoires de microbiologie alimentaires d’utiliser des souches de contrôle. Cela n’est pas sans poser des problèmes au laboratoire de microbiologie, notamment à cause du risque de contaminations croisées.
A la suite d’un appel à la communauté des SuperMicrobiologistes pour traiter de ce sujet, Cécile Vadier a tout de suite levé… l’oese. Nous sommes donc allés l’interviewer.
Cécile a été responsable pendant 12 années du laboratoire de CQ de microbiologie de Barry Callebaut à Louviers. Elle est depuis 6 ans Microbiologistes Corporate toujours chez Barry Callebaut. Elle est notamment chargée d’écrire les méthodes microbio pour le groupe.
Et pour info, Barry Callebaut est le leader mondial de la fabrication de produits à base de cacao et de chocolat.
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Nous avons sondé les SuperMicrobiologistes.
Voici leurs souches préférées
Cécile, pouvez-vous nous dire combien de laboratoires de microbiologie avez-vous chez Barry Callebaut ?
Nous avons 29 laboratoires qui font de la microbiologie, dont 23 qui font des recherches de pathogènes. Ces labos de microbiologie sont présents sur les 5 continents.
L’utilisation de souches de contrôle de qualité dans un laboratoire microbiologique alimentaire
Pour quels types d’analyses utilisez-vous des souches de microorganismes dans vos laboratoires ?
On va utiliser nos souches pour 3 types d’analyses :
- Pour les tests de fertilité comme indiqué dans la norme ISO 11133.
- Pour les contrôles de méthode (vérification de méthodes et contrôles routiniers)
- Pour les validations des techniciens de laboratoire (validation des formations et contrôles routiniers)
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un contrôle de méthode routinier ?
C’est un contrôle positif, qui permet de vérifier la méthode. En gros, on va contaminer artificiellement un échantillon (à faible concentration <50 bactéries) et on va lui faire subir toutes les étapes de l’analyse ; dilution, broyage, incubation, puis méthode de détection.
A quelle fréquence faites-vous ce contrôle ?
Nous avons une fréquence minimum requise par nos règles internes, mais suivant les contraintes locales, certains labo le font plus souvent
Et quelles souches utilisez-vous pour ce type de contrôle ?
C’est justement l’une de nos problématiques. Dans le chocolat, le pathogène que l’on recherche est la Salmonelle. La souche cible lors des contrôles de méthode doit donc obligatoirement rester dans le genre Salmonella spp..
Par contre, le risque majeur reste la contamination croisée entre 2 échantillons à l’intérieur du laboratoire, en provenance d’un échantillon positif.
Et pourquoi est-ce un problème ?
Le risque de contamination des cultures du labo en direction de l’usine de production est largement anticipé par un isolement adéquat du labo par les bâtiments et les murs, mais aussi par les règles de circulation du personnel.
Par contre, le risque majeur reste la contamination croisée entre 2 échantillons à l’intérieur du laboratoire, en provenance d’un échantillon positif.
Tracer et comparer les souches pour arriver à conclure sur l’origine du positif (les analyses de causes sont traitées en parallèle sur le labo et l’usine) prennent du temps, et les conséquences sur l’activité de l’usine et nos clients ont énormément d’impact, avec des coûts financiers qui crèvent les plafonds.
Comment éviter les contaminations croisées dans un laboratoire de microbiologie alimentaire
Avez-vous souvent de genre de contamination croisée dans le labo ?
Cela arrive de moins en moins, heureusement. Nous travaillons sur l’amélioration continue de nos labos, et partageons sur tous nos sites les leçons de chaque évènement pour limiter les mêmes problèmes sur différents sites. La standardisation n’est pas chose facile, sur des labos aux 4 coins du monde!! Avant je trouvais compliqué de gérer un labo avec des fournisseurs à 500 km. Imaginez quand ils sont sur un autre continent…
Comment faites-vous pour limiter ces faux positifs ?
Nos laboratoires doivent utiliser des souches de contrôle qui ont un sérotype particulier qu’on ne retrouve jamais dans les matrices alimentaires, comme les sérovars Tranoroa ou Nottingham.
On leur demande également d’ avoir en permanence et non périmé, les anti-sérums correspondant aux souches de contrôle qu’ils utilisent. On oriente ainsi beaucoup plus rapidement sur une des 2 hypothèses: origine labo ou usine. Cela permet de focusser très vite l’énergie des équipes de gestion de crise sur les vraies causes racines et accélère la résolution du problème. En cas de contamination croisée, l’impact sur l’activité de l’usine (et celle de nos clients) est bien moins important!
La préférence est très claire: souches prêtes à l’emploi avec un faible taux d’inoculation… Dans le laboratoire de Louviers, en France, on utilise le format Lenticule (de chez Merck)
Vous utilisez des souches prêtes à l’emploi ou vous les calibrez vous-même ?
La préférence est très claire: souches prêtes à l’emploi avec un faible taux d’inoculation. Mais malheureusement (message subliminal aux fournisseurs!), ça n’est pas accessible partout dans le monde.
Les souches prêtes à l’emploi limitent les manips de cultures. Moins on manipule les souches, plus on réduit le risque de cross-contaminer !
Dans le laboratoire de Louviers, en France, on utilise le format Lenticule (de chez Merck). Le sérotype Nottingham est disponible en concentration faible, le format est facile à utiliser et le prix reste abordable pour un laboratoire alimentaire. Cependant on n’a pas d’autre choix que Nottingham et parfois la souche n’est pas disponible.
Il existe des souches de souches fluorescentes (ce qui permet de les reconnaître facilement). Les avez-vous déjà essayées ?
Je les connais très bien et effectivement ce format est particulièrement intéressant pour nous et je travaille actuellement sur ce sujet.
Il faut savoir que ces souches sont reconnues comme des OGM et que certaines législations nationales dont la France sont très strictes sur ce sujet. Nous avons obligatoirement besoin de l’aide du fournisseur pour obtenir les autorisations pour l’importation et l’autorisation d’utilisation dans le pays. Gros projet pour 2023!,
Si vous pouviez décrire votre souche idéale, quelles caractéristiques devrait- elle avoir ?
Elle aurait 4 caractéristiques précises, elle devrait être :
- calibrée à faible concentration (pour un spiking <50 microorganismes).
- facilement identifiable, soit avec des sérovars qu’on ne trouve pas dans les produits alimentaires, soit avec des souches “fluorescentes”, soit avec un nouveau principe de différentiation rapide, efficace, applicable en labo de routine.
- facilement disponibles dans tous les pays où Barry-Callebaut est implanté
- à un prix acceptable pour l’industrie agroalimentaire
Les fournisseurs peuvent me contacter s’ils ont besoin de plus d’infos.
Merci Cécile Vadier !
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