Peut-on créer des risques microbiologiques en désinfectant des locaux pharmaceutiques ?


La question peut paraître surprenante, mais le problème est bien réel.

Pour l’illustrer nous avons rencontré Denis Streitt, Senior Global Technical Consultant chez Ecolab. 

Il partage avec nous une de ses expériences professionnelles… Et accrochez-vous, cette histoire (vraie) est absolument captivante !

Découvrez les 4 meilleurs milieux de culture pharma

Nous avons sondé les SuperMicrobiologistes.

Voici leurs marques préférées de milieux de culture pour contrôles environnementaux. 

Le mystère des « résidus blancs »

Un laboratoire pharmaceutique le contacte pour signaler un problème inhabituel :

Leur nouveau désinfectant sporicide à base de chlore laisse des résidus blancs sur les lingettes après le nettoyage.

Après avoir vérifié tous les paramètres d’utilisation (temps de contact, concentration, etc.) par téléphone… Sans trouver de solution, Denis se rend sur place.

Lors d’une observation en production, le résidu blanc est effectivement constaté.

En examinant de plus près, il semble provenir du revêtement des panneaux sandwich de la salle de production. Aie !

Le désinfectant attaquerait-il la peinture ?!

Une réaction chimique inattendue

Le chlore (présent dans le désinfectant) est connu pour être un agent très oxydatif. C’est pour cela qu’on l’utilise comme sporicide d’ailleurs. La contrepartie c’est qu’il peut aussi être corrosif pour les surfaces, s’il n’est pas rincé après son utilisation.

Pourtant, le désinfectant étant récemment introduit, il semble peu probable qu’il ait déjà détériorées les surfaces.

L’enquête continue donc.

C’est alors qu’un opérateur mentionne que depuis qu’ils utilisent ce nouveau produit désinfectant, ils ont des irritations de la gorge et des voies respiratoires.

Hummm remarque très intéressante, mais encore une fois, cela ne peut pas venir (uniquement) du désinfectant chloré alkalin. Il doit donc forcément y avoir quelque chose d’autre… mais quoi ?

Denis demande alors les procédures de nettoyage et désinfection incluant les rinçages périodiques des surfaces (très important le rinçage !).

Il remarque que la fréquence des rinçages n’est pas définie, ce qui suggère très probablement un défaut de rinçage (voir une absence totale).

Voilà peut-être un début de piste !

Il demande donc quels sont les autres désinfectants utilisés en rotation avec le sporicide chloré.

On lui répond qu’il s’agit d’un autre sporicide (!) à base d’acide péracétique…

C’est à ce moment-là que toutes les pièces du puzzle s’assemblent. 

Les résidus de désinfectant alcalin chloré, insuffisamment rincés, réagissent avec l’acide péracétique chlore, pour libérer du … dichlore.

On vous le donne en mille, le dichlore est un gaz toxique qui peut irriter les voies respiratoires, BINGO on tient notre coupable !

Analyse des causes racines

Comme souvent tout le temps dans l’industrie pharmaceutique. Lorsqu’il y a un risque, on fait une…analyse de risque et de cause racine !

C’est ce qui est réalisé dans notre étude de cas pour évaluer les impacts potentiels du défaut de rinçage et de l’interaction entre les deux molécules des désinfectants.

Et voici ce qu’elle donne (dans les grandes lignes !) :

  1. Risque pour les opérateurs : Inhalation de gaz toxiques.
  2. Risque microbiologique de faux négatifs : La présence de résidus de désinfectant peut perturber les analyses microbiologiques des surfaces.

    Les neutralisants des boîtes contact, pourraient ne pas être suffisamment efficaces face a une trop grande concentration de résidus. Cela pourrait conduire à sous-estimer une contamination, avec le risque majeur d’obtenir des faux négatifs.
  1. Risque d’impact négatif sur l’efficacité du protocole de désinfection : On pourrait penser que l’utilisation de deux désinfectants en même temps double l’efficacité… Mais c’est tout le contraire !

    Les molécules des deux désinfectants peuvent interagir et réduire l’efficacité de la désinfection, augmentant ainsi le risque de… contamination.

Actions correctives

Une analyse de risque c’est bien, mais maintenant il faut mettre en place des actions correctives pour que le labo puisse reprendre son activité en toute quiétude.

  1. Conserver un seul sporicide en routine

    Le laboratoire simplifie son protocole de désinfection en conservant en routine le produit le plus facile à utiliser. Le second sporicide sera utilisé en cas de contamination pour les actions curatives.

    Cette action, est en accord avec le chapitre 4.33 de l’Annexe 1 : « La désinfection doit inclure l’utilisation périodique d’un agent sporicide ».

  2. Établir un protocole de rinçage

    Une fréquence de rinçage claire est définie pour éviter toute accumulation de résidus.

    Cette action, en accord avec les chapitres 4.33 & 5.4 de l’Annexe 1, permet d’éliminer le risque d’interactions entre les 2 molécules.

Conclusion

Depuis ces ajustements, il n’y a plus de résidus blancs, plus d’irritations, et les résultats au laboratoire de microbiologie sont impeccables (enfin autant qu’ils peuvent l’être) !

Un grand merci à Denis Streitt pour avoir partagé cette histoire, qui nous invite toutes et tous à réfléchir sur l’utilisation des désinfectants et l’importance des protocoles de rinçage.

Même si tout cela relève de la chimie, cela finit toujours par impacter nos analyses microbiologiques !

Et vous, avez-vous déjà vécu ce genre d’expérience dans votre labo ? N’hésitez pas à la partager en commentaire… on se fera un plaisir d’en écrire un article !

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *