ISO 11133 et auto-préparateurs : Comment les labos de microbiologie alimentaire gèrent-ils la notion de lot ?

Résumé de cet article (pour les fénéant.e.s 😁) : 

  • La définition du lot en microbiologie alimentaire est complexe et sujette à différentes approches.
  • Les 3 laboratoires COFRAC interrogés considèrent qu’un cycle d’auto-préparateur n’est pas égal à un lot.
  • Les paramètres du cycle, la qualité de l’eau, l’habilitation du personnel et les contrôles internes jouent un rôle crucial dans la justification.
  • Chaque laboratoire adapte sa méthode en fonction de sa stratégie de maîtrise des risques.

Les sorties récentes de produits tels que le ReadyStream ou l’instaBAG ont fait ré-émerger une question existentielle importante pour tous les laboratoires de microbiologie alimentaire ; Qu’est-ce qu’un lot ?

Question oh combien importante lorsqu’il s’agit de la norme ISO 11133, qui (si on la fait courte) demande aux microbiologistes de tester les performances de chaque lot de milieux de culture .

Devant la difficulté de la question, nous nous sommes retournés vers des laboratoires accrédités COFRAC qui utilisent des préparateurs de milieux de culture, pour savoir comment eux “géraient” cette norme ?

Voici ce qu’ils nous en ont dit : 

Labo COFRAC, auto-préparateur et ISO 11133

Pour un remake du film Le bon, la brute et le truand (chacun choisira son personnage !)

Nous avons rencontré 3 laboratoires accrédités COFRAC qui produisent d’importants volumes de milieux de culture (principalement des bouillons d’enrichissement type EPT) à l’aide d’auto-préparateurs.

Comment gèrent-ils la notion de lot et l’ISO 11133 ?

La notion de lot est légèrement différente pour chacun d’entre eux, cependant un cycle de préparateur de milieux de culture n’est pas considéré comme un lot. C’est-à-dire qu’ils ne font pas de tests de performances pour chaque cycle d’autopréparateur.

« Nous aurions souhaité ici que les labos puissent prendre la parole pour expliquer comment ils justifient cette notion de lot… Mais la question est tellement “touchy” qu’aucun n’a souhaité le faire publiquement (et on comprend !). »

Ils ont cependant été hyper transparents avec nous (et on les en remercie), nous allons donc essayer de donner quelques pistes de réflexion.

Que dit le LAB GTA 59 en ce qui concerne la notion de lot ?

Tous les laboratoires de microbiologie alimentaire peuvent suivre la norme ISO 11133, mais elle n’est obligatoire que pour les laboratoires accrédités COFRAC.

Voici ce qui est écrit dans le guide du COFRAC, le LAB GTA 59 : 

“7.4.2 Milieux de culture

La norme NF EN ISO 11133 est applicable pour la préparation et le contrôle de performance des milieux de culture, des réactifs et des milieux de confirmation au laboratoire.

Cas des milieux de culture préparés par le laboratoire

Les milieux de culture sont contrôlés à chaque nouveau lot. Un lot correspond à une unité fabriquée dans une unité de temps (par exemple autoclavage). Le laboratoire définit la notion du lot en fonction de la maîtrise de l’homogénéité de la production, de la traçabilité de la qualité de l’eau et des moyens utilisés (processus uniforme).

Dans tous les cas, un lot ne correspond pas à un lot de poudre déshydratée.”

Comme pour chaque norme, il peut y avoir des interprétations différentes.

Certains laboratoires vont s’arrêter sur la dernière phrase : Dans tous les cas, un lot ne correspond pas à un lot de poudre déshydratée. Pour eux chaque cycle d’autopréparateur doit être considéré comme un lot.

D’autres vont nuancer cette phrase en apportant plus d’importance à la phrase suivante : Le laboratoire définit la notion du lot en fonction de la maîtrise de l’homogénéité de la production, de la traçabilité de la qualité de l’eau et des moyens utilisés (processus uniforme).

Et c’est le cas des laboratoires que nous avons interrogés.

Voyons maintenant leur justification.

Comment justifier qu’un cycle d’auto-préparateur n’est pas égal à un lot


Pour ces labos la justification se situe dans une analyse de risque globale qui englobe la poudre, la qualité de l’eau, les paramètres du cycle de l’auto-préparateur, l’habilitation des techniciens et les contrôles internes.

Un lot est donc une combinaison de choses qu’ils doivent maîtriser pour que la production soit homogène.

La poudre deshydratée

Les labos interrogés ont tous une stratégie différente, mais dans tous les cas, un lot ne correspond pas à un lot de poudre déshydratée.

Pour certains les tests de performances seront effectués à chaque nouveau pot de poudre déshydraté, pour d’autres ça sera tous les 3 mois (peu importe que le pot soit terminé ou non).

La qualité de l’eau 

La question à se poser est de savoir quels impacts peut avoir l’eau sur la qualité de mon milieux de culture ?

Sans être exhaustif, voici quelques pistes de réflexion : 

  • présence de molécules chimiques résiduelles qui pourraient ralentir la croissance des microorganismes. Ex : tester la présence de pesticides
  • contamination importante qui pourrait ne pas être détruite lors du cycle de stérilisation. Ex : tester la charge bactérienne

Pour chacune de ces problématiques il faut mettre des contrôles à une fréquence définie pour prouver la maîtrise.

Les paramètres du cycle de l’autopreparateur

C’est peut-être l’information la plus simple à avoir. Pour cela il suffit de vérifier que les paramètres du cycle ont bien été respectés, temps, température. Normalement tous les autoprep permettent ce genre de traçabilité. Encore faut-il que les sondes soient bien calibrées… mais ça c’est un autre problème !

L’habilitation des techniciens

La production de milieux de culture nécessite de suivre un certain nombre d’étapes qui peuvent être plus ou moins critiques. Ces étapes sont effectuées par un.e technicien.ne qui doit être formé.e à la pratique.

Exemple non exhaustifs de points critiques : 

  • La pesée de la poudre (qui peut être documentée et tracée avec un ticket de balance)
  • Le remplissage de la cuve avec de l’eau (potentiellement critique si le volume d’eau n’est pas respecté et pas de traçabilité existante)
  • Le nettoyage de la cuve entre 2 productions (contamination chimique ou microbiologique).

Certaines étapes peuvent être traçables par des machines (ticket de pesé de la balance), d’autres non (traçabilité humaine), c’est pourquoi la formation et l’habilitation sont importantes.

Les contrôles internes

Tous les labos que nous avons interrogé effectuent pour chaque cycle d’autopreparateur un test à blanc. C’est-à-dire un contrôle négatif. Pour cela ils vont prélever un volume de milieux de culture, l’incuber, puis vérifier qu’il ne présente pas de contamination.

En ce qui concerne les contrôles positifs internes, les stratégies sont différentes. Certains en font beaucoup, d’autres moins, d’autres pas.

Le fait d’avoir des contrôles positifs réguliers, pour lesquels on utilise des souches d’intérêts à très faible concentration, permet de vérifier la manipulation, les réactifs, mais aussi les performances de croissances des milieux de culture.

Conclusion

En conclusion, la question de la définition du lot en microbiologie alimentaire reste complexe et sujette à diverses interprétations. Les laboratoires accrédités COFRAC qui utilisent des préparateurs de milieux de culture adoptent des approches variées pour gérer cette notion.

Certains considèrent chaque cycle d’autopréparateur comme un lot distinct, tandis que d’autres évaluent la maîtrise globale du processus de production pour définir un lot.

La prise en compte des paramètres du cycle, la qualité de l’eau, l’habilitation du personnel et les contrôles internes jouent un rôle crucial dans cette justification. Chaque laboratoire adapte sa méthode en fonction de sa stratégie de maîtrise des risques.

Ainsi, il n’y a pas de réponse unique, et la norme ISO 11133 doit être abordée avec un regard critique et contextuel pour garantir la qualité des milieux de culture en microbiologie alimentaire.

Venez nous dire en commentaire quelle est votre interprétation de la norme ISO 11133.

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