Listeria : Quels impacts aura le nouveau règlement européen pour votre labo ?
Vous produisez des aliments Prêts À Manger (PAM) ?
Alors cette nouvelle réglementation européenne sur Listeria monocytogenes va sûrement vous intéresser !
Mais la réglementation ce n’est pas toujours facile à comprendre.
Pour nous aider à y voir plus clair, nous sommes allés interroger des expert.e.s.
Tout ce qu’il faut savoir sur cette nouvelle réglementation est résumé (et vulgarisé) dans cet article.
Sommaire :
- Pourquoi avoir modifié le critère réglementaire sur Listeria monocytogenes ?
- Quelles matrices sont concernées ?
- Qu’est-ce qui change ?
- Qu’est-ce que ça change pour les fabricants ?
- Comment et où réaliser ces Challenges Tests ?
- Date d’application du nouveau règlement
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Pourquoi avoir modifié le critère réglementaire sur Listeria monocytogenes ?
Le 20 novembre 2024, la Commission européenne a voté le règlement (UE) 2024/2895, qui modifie le règlement (CE) 2073/2005.
Pour la petite histoire, 25 États membres ont voté en faveur de cette modification, tandis que la Finlande s’est abstenue et la Belgique a voté contre.
Mais au fait, pourquoi ce changement aujourd’hui?
Voici les 2 raisons principales :
- Une hausse des cas de listériose en Europe1
Les chiffres parlent, avec une augmentation significative des cas depuis 2019. - Un vide juridique identifié par la Cour de justice européenne (CJE)2
En 2022, la CJE a mis en avant une faille dans l’ancien règlement, qui pouvait être interprétée différemment selon les pays.
Résultat : la CJE a autorisé les autorités nationales à prendre des mesures plus strictes que celles prévues par la réglementation européenne.
Cette nouvelle réglementation clarifie donc certains critères pour éviter toute ambiguïté.
Moins de zones grises, plus de sécurité (enfin c’est ce qu’on espère) !
Quelles sont les matrices concernées ?
La nouvelle réglementation vise les aliments prêts à manger (PAM) qui permettent la croissance de Listeria monocytogenes.
Ces aliments sont en effet plus à risque, car ils ne subissent pas de traitement assainissant avant consommation et leur durée de vie peut être longue, ce qui favorise le développement de Lm même s’ils sont conservés en froid positif.
Exceptions :
- Les produits spécifiquement destinés aux nourrissons.
- Les aliments conçus pour des fins médicales spéciales.
Qu’est-ce qui change ?
Avant (règlement (CE) 2073/2005)3:

Après4 (règlement (UE) 2024/2895):

Pour les produits dans lesquels L. monocytogenes peut se développer, le fabricant devra obligatoirement démontrer que la limite de 100 ufc/g est respectée jusqu’à la fin de la DLC.
Si le fabricant ne peut pas le prouver, alors le produit devra répondre au critère strict de non-détection dans 25 g.
En résumé : la tolérance est plus stricte et la démonstration scientifique devient incontournable !
Qu’est-ce que ça change pour les fabricants ?
Pas de panique !
En France, si vous suivez déjà le Guide de gestion des alertes d’origine alimentaire (GGA)5, ce nouveau règlement ne va pas bouleverser vos pratiques.
La DGAL (Direction générale de l’alimentation) avait déjà identifié les zones d’ombre du règlement européen et apporté des précisions utiles dans le GGA.

Mais attention !
Si vous ne suivez pas encore le GGA et que vous produisez des produits concernés, vous allez devoir prouver qu’en cas de contamination initiale par Listeria monocytogenes (Lm), le nombre de bactéries ne dépassera jamais 100 ufc/g pendant toute la durée de vie du produit.
Pour prouver cela, différents outils sont à votre disposition pour valider et/ou vérifier une durée de vie d’un PAM. Ils sont listés dans la réglementation et en particulier dans l’instruction technique de la DGAL (DGAL/SDSSA/2024-270).
Parmi ceux-ci, vous pouvez utiliser les résultats de :
- microbiologie prévisionnelle : des modèles mathématiques pour prédire le comportement bactérien en fonction de différents paramètres physico-chimiques, température…
- Challenge Tests : contamination expérimentale d’un produit pour suivre l’évolution de Lm sur une période donnée et dans un produit donné.
Est-ce que la microbiologie prévisionnelle peut remplacer un challenge test ?
La réponse est claire : non.
La modélisation en microbiologie prévisionnelle permet de prévoir le comportement des bactéries selon différents scénarios sans avoir à réaliser d’analyses en laboratoire.
En revanche, un test de croissance est indispensable pour obtenir les informations sur le comportement bactérien dans un produit et selon les conditions spécifiques de conservation.
Ces deux approches sont donc complémentaires.
Dans tous les cas, la fiabilité des études de durée de vie repose sur la pertinence et la logique de mise en œuvre des différents outils proposés.
Dans tous les cas, il est important de bien connaître votre produit notamment :
- L’historique des autocontrôles
- Les conditions de fabrication
- Le pH
- L’activité de l’eau (Aw)
- Les ingrédients inhibiteurs
- Les additifs
- La teneur en sel
- Les flores annexes
- Le type de conditionnement
- …
- Et bien sûr, la DLC
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Comment et où réaliser ces Challenges Tests ?
Le Challenge Test est un test lors duquel on contamine artificiellement un produit. Puis on mesure tout au long de la durée de vie du produit l’évolution quantitative de la contamination.
Dans le cas présent, on contamine le produit avec Lm, puis on vérifie que le nombre de Lm ne dépasse pas les 100 ufc/g.
Qui peut réaliser des Challenges Tests ?
- En préanalyse ou en R&D :
- Ces tests peuvent être réalisés dans votre propre laboratoire de microbiologie, si vous en disposez.
- Vous pouvez également faire appel à un prestataire spécialisé.
- Ces tests peuvent être réalisés dans votre propre laboratoire de microbiologie, si vous en disposez.
- Dans le cadre d’autocontrôle réglementaire :
- Si les tests sont effectués pour répondre au règlement 2073/2005, ils doivent obligatoirement être réalisés dans des laboratoires reconnus par l’administration6 pour effectuer des tests de croissance (challenge test); ils sont supervisés par le Laboratoire National de Référence Listeria monocytogenes (Anses).
La liste des laboratoires reconnus pour les tests de croissance Lm est disponible sur https://agriculture.gouv.fr/laboratoires-officiels-et-reconnus-en-alimentation
Optimiser vos Challenge Tests
Pour limiter le nombre de challenge test (coûteux et chronophage), vous pouvez :
- Travailler par famille de produits : Sélectionnez des produits ayant des caractéristiques similaires (process de production, DLC, conditionnement, etc.).
- Testez le produit le plus à risque : Par exemple, si vous produisez plusieurs types de salades composées (PAM), identifiez celle avec la formulation la plus à risque de contamination par Lm.
Conseil bonus
Rapprochez-vous de votre interprofession : Il est possible qu’une étude sur des matrices similaires à la vôtre ait déjà été réalisée. Cela peut vous faire gagner du temps et limiter vos coûts.
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Date d’application du nouveau règlement
Le Règlement (UE) 2024/2895 entrera en application le 1er juillet 2026.
Même si cette date peut sembler lointaine, ne perdez pas de temps
Les études nécessaires peuvent être longues à réaliser, et le nombre de laboratoires reconnus est limité.
Bonus Vidéo
On vous recommande la super présentation d’Alexandre Leclercq faite lors du Food microbiology Tour de 2024. Il y explique clairement les impacts de cette nouvelle réglementation européenne.
Merci aux contributrices et contributeurs
On souhaite remercier les SuperMicrobiologistes expert.e.s qui nous ont aidé à décrypter ce nouveau règlement, à relire et à corriger cet article.
Un grand merci à Corinne Danan, Ruben Barcia-Cruz, BALON Cecile, Laurence Giuliani, Fanny Le Doeuff, Guillaume Frelat, Alexandre Leclercq, Stéphanie Kwasek et Adrien Asséré.
Si vous avez toujours des questions concernant cette règlementation, n’hésitez pas à les poser en commentaire !
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- https://doi.org/10.2903/j.efsa.2024.9106 ↩︎
- l’avis de la CJE de 2022 qui a ré-ouvert la question du vide juridique du critère 1.2 dans la version précédente du règlement (CE) N°2073/2005.
Cet Arrêt précise:
· alinéa 23 : “Force est de constater qu’une situation, telle que celle en cause au principal, où un produit alimentaire, pour lequel le fabricant n’est pas en mesure de démontrer, à la satisfaction de l’autorité compétente, qu’il respectera la limite de 100 ufc/g pendant sa durée de conservation, a déjà été mis sur le marché n’est pas visée par ces dispositions.” => L’Arrêt souligne le vide réglementaire qu’engendre les dispositions du règlement (CE) n°2073/2005 dans la mesure où aucun critère L.m. n’est explicitement défini pour une denrée prête à manger, mise sur le marché, pour laquelle le fabricant n’est pas en mesure de prouver le non dépassement du critère L.m. de 100 ufc/g à DLC.
· alinéas 26, 27 et 28 : « les autorités nationales compétentes peuvent prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à la mise sur le marché ou pour exiger le retrait du marché des denrées alimentaires qui, malgré leur conformité à des dispositions spécifiques du droit de l’Union qui leur sont applicables, donnent à ces autorités des raisons objectives de soupçonner que ces denrées sont dangereuses. Cette disposition, compte tenu de son importance aux fins d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, doit faire l’objet d’une interprétation large” + “L’application de la limite de tolérance égale à zéro aux produits alimentaires qui ont été mis sur le marché, sans que le fabricant ait démontré, à la satisfaction de l’autorité compétente, que, pendant leur durée de conservation, ces produits respecteraient la limite de 100 ufc/g, peut ainsi constituer une mesure appropriée, au sens de l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 178/2002.” ↩︎ - https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/AUTO/?uri=CELEX:02005R2073-20200308&qid=1736334085255 ↩︎
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202402895 ↩︎
- https://info.agriculture.gouv.fr/boagri/instruction-2023-11 ↩︎
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000026586542 ↩︎
Article intéressant. Il y a juste une petite faute de frappe dans le numéro de la note de service dvm c’est 2024 et non 2004 mais le lien fonctionne et envoie au bon endroit !
Oups la boulette… et pourtant on est presque une dizaine à l’avoir relu (donc moi au moins 10 fois !!). On vient donc de procéder à la correction, encore merci 😉